La concurrence mondiale se faisant de plus en plus féroce face aux stocks déclinants de poissons, bon nombre de pêcheurs canadiens sont désormais contraints de piloter de petits navires – qui confondraient leurs aïeux – dans des eaux peu familières, en quête de nouvelles espèces.
L’Institut des technologies océaniques du CNRC (ITO-CNRC) coopère avec Transports Canada et l’industrie des pêches afin de mettre au point un outil qui évaluera les nouveaux types de petits bateaux, en perpétuelle évolution, en ce qui a trait à leurs limites sur le plan de la sécurité. Si l’industrie des pêches, les architectes navals et les responsables de la réglementation en sanctionnent l’avant-projet lors de la réunion qui se tiendra à Ottawa en novembre, un plus vaste programme pourrait bien voir le jour. Il rendrait moins périlleuse la vie des hommes et des femmes qui gagnent leur pain sur les quelque 30 000 bateaux de pêche enregistrés au pays.
Transports Canada et plusieurs groupes de l’industrie cherchent comment établir méthodiquement si tel ou tel type de navire est sécuritaire ou pas. Ils se sont donc tournés vers l’ITO-CNRC pour une analyse objective. Les architectes navals affirment souvent « savoir » quand un bateau a « l’allure qu’il faut ». Le nouvel outil du CNRC étayera pareille assertion de preuves solides.
Selon Ayhan Akinturk, directeur du projet, les chercheurs du CNRC ont raffiné leur outil en recourant à plusieurs types de données. Ainsi, ils ont passé au crible les résultats des dizaines d’essais sur maquette effectués dans les bassins à houle de l’ITO-CNRC. Cependant, ils se sont surtout attardés à l’expérience vécue par de véritables pêcheurs sur de vrais bateaux. Les développeurs ont analysé statistiquement les dossiers de sécurité de diverses embarcations pour découvrir les plus prédisposées aux accidents, puis ont déterminé les plus aptes à se redresser dans le roulis. Enfin, l’équipe a étudié les conditions météorologiques (vent, houle, glace) réunies lors des accidents, ainsi que la manière dont les bateaux étaient exploités, notamment le type de matériel et l’incidence des conditions assorties au permis de pêche (à savoir, si les prises étaient stockées sur le pont ou dans la cale) sur la tenue du bâtiment en mer.
Le nouvel outil devrait créer un filtre avec lequel Transports Canada et l’industrie de la pêche parviendront à identifier les types de navire les plus dangereux et suggéreront comment en améliorer la conception.
Il y a 30 ans, sur la côte est, la réglementation interdisait certains modèles d’embarcation de plus de 24 mètres de longueur. Depuis, talonnés par la concurrence, les propriétaires de flottille et les concepteurs n’ont cessé d’accroître la capacité et la rentabilité de leurs navires en en élargissant la coque et la superstructure dans toutes les autres dimensions.
Les embarcations gagnant en largeur, en profondeur et en hauteur, les concepteurs ont tenté de compenser l’incidence de telles modifications sur la tenue et le roulis de diverses manières, par exemple en ajoutant des stabilisateurs aux réservoirs à ballast ou des paravanes, aux noms évocateurs d’« ailes de chauve-souris » ou de « stoppeurs de ploufs ». Certains bateaux possèdent maintenant une cabine de pilotage dont les appareils de navigation et les sonars de haute technologie rivalisent avec ceux des destroyers et dont le prix dépasse les deux millions de dollars.
Comprendre les limites de sécurité
Le nouvel instrument du CNRC aidera les utilisateurs à mieux comprendre les limites de sécurité de bateaux d’un nouveau modèle, à l’aspect inhabituel. « Certains bateaux sont vraiment complexes et chaque complexité ajoute un facteur de risque », explique M. Akinturk.
Construire une embarcation sûre est d’autant plus compliqué qu’il n’y a pas si longtemps encore, les pêcheurs pilotaient des bâtiments beaucoup plus rudimentaires sans quitter la côte de vue, alors que maintenant ils naviguent plus de 300 kilomètres au large, dans des conditions qui leur sont peu familières et où ils ne sont pas protégés. En outre, confrontés à la difficulté de gagner leur vie en ne pêchant qu’une seule espèce de poisson, les propriétaires d’embarcations ont acquis maints permis et installé de multiples appareils de pêche sur leur navire sans nécessairement consulter d’architecte naval. Personne ne souhaite périr, mais on saisit mal les conséquences de tels changements au niveau de la sécurité.
Selon Carl Harris, directeur des installations à l’ITO-CNRC, bien que les données sur la sécurité des anciens types de bâtiments ne manquent pas, les petits bateaux de pêche canadiens évoluent si rapidement qu’on ne réussit plus à rassembler l’information utile.
« Ce ne sont pas des bateaux ordinaires. Ils sont très, très sophistiqués et intègrent énormément d’équipement, explique M. Harris. Ce qu’on demande à présent aux bateaux a tant changé qu’on ne sait plus comment les utiliser de façon sécuritaire. Essentiellement, nous essayons d’élaborer un jeu de lignes directrices pour les petites embarcations. Cela ne réglera pas tout, mais on simplifiera un problème d’une grande complexité. »
Source: CNRC (Conseil national de recherches Canada)
http://www.nrc-cnrc.gc.ca/fra/actualites/cnrc/2010/11/01/bateaux-securite.html
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