Des chercheurs de McGill ont constaté que tout est question de rythme
La dernière étude de Daniel Levitin a vu le jour à la suite d’une prestation musicale qui l’a déçu.
Auteur, chercheur et professeur de renom au Département de psychologie de l’Université McGill, M. Levitin écoutait l’une de ses pièces musicales préférées, un concerto pour piano de Mozart, lorsqu’il a réalisé qu’il avait du mal à se concentrer.
« J’aime pourtant cette œuvre, s’est-il dit, et l’interprète joue chacune des notes. Mais une question survenait néanmoins avec insistance : pourquoi certains enregistrements ou certaines interprétations nous émeuvent-ils aux larmes, alors que d’autres suscitent un profond ennui? »
Selon M. Anjali Bhatara, l’un des auteurs de l’étude, une partie de la réponse tient à la nature même de l’instrument, dans ce cas-ci, le piano. « Toutes les subtilités et les nuances expressives de l’interprétation – en d’autres termes les particularités qui nous font éprouver joie, tristesse ou espoir – dépendent simplement de trois facteurs : la durée que le pianiste donne aux notes, l’intensité sonore (ou les nuances) et le jeu des pédales. Ce sont des éléments d’information que nous pouvons mesurer et manipuler. »
En utilisant un Disklavier – un clavier renfermant des centaines de capteurs et de moteurs miniatures sous les touches – les chercheurs ont pu, à l’aide d’un ordinateur, enregistrer les mouvements précis et nuancés d’un pianiste de concert lors de son interprétation d’un des Nocturnes de Chopin.
Ils se sont ensuite servis de fichiers informatiques pour créer des versions différentes de l’interprétation. Ils ont alors modifié le rythme, la sonorité et le jeu de pédales afin de créer un continuum de versions de la pièce, dont l’expressivité variait de 100 (l’interprétation originale) à 0 pour cent – une version robotisée dans laquelle chaque note est jouée avec exactement la même force et la même durée.
On a demandé à des participants d’écouter les diverses versions des Nocturnes dans un ordre aléatoire, sans aucune indication quant au degré d’expressivité de l’interprétation et d’en noter – sur une échelle de 1 à 10 – le degré d’expressivité de chacune des versions.
Les résultats ont été surprenants. Selon M. Levitin, chercheur principal de l’étude, tous les participants, qu’ils soient ou non musiciens, reconnaissaient et préféraient les versions plus expressives. « Ils pouvaient écouter la version dont l’expressivité correspondait à 80 pour cent, puis celle à 20 pour cent, puis celle à 60 pour cent et parvenaient invariablement à distinguer les différents niveaux d’expressivité. Cela signifie que même les différences d’interprétation très subtiles peuvent être saisies immédiatement – même par l’auditeur moyen. Cela est stupéfiant. »
L’étude a également permis d’établir que les variations du rythme d’une interprétation ont un impact émotif supérieur aux variations relatives à l’intensité de la sonorité du jeu.
« Le pianiste doué a appris à communiquer l’émotion musicale, principalement en alternant la longueur et la brièveté, l’intensité et la douceur des notes – exactement comme dans une conversation orale, a indiqué M. Levitin. L’on peut supposer qu’un élément pourrait être plus important qu’un autre. J’ai néanmoins été étonné de découvrir que le rythme est plus efficace que l’intensité sonore lorsqu’il s’agit de transmettre une émotion.
Nous avons espoir que ce type de recherche nous aidera notamment à mieux comprendre l’alchimie des éléments qui rendent une interprétation émouvante, a ajouté M. Levitin. Il s’agit d’un pas important pour nous permettre de saisir et de quantifier les raisons pour lesquelles la musique est porteuse d’émotion. »
Ce projet de recherche a été financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Ouvrages de Daniel Levitin :
This is Your Brain on Music: The Science of Human Obsession, (Dutton/Penguin 2006; Atlantic [UK] 2007).
The World in Six Songs: How the Musical Brain Created Human Nature (Dutton/Penguin U.S. and Viking/Penguin Canada, 2008.
Pour obtenir un extrait de l’article : http://psycnet.apa.org/index.cfm?fa=browsePA.ofp&jcode=xhp
Pour apprendre d’avantage sur ce projet de recherche, visionnez les vidéos suivantes :
Clip 1: http://www.youtube.com/watch?v=CJMwWX8WX3o
Clip 2: http://www.youtube.com/watch?v=k4–Pq0bci4
Source : Katherine Gombay – Université McGill
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