Situés au cœur de la vallée du Nil, les temples de Karnak ont généré de nombreuses théories quant à leur implantation originelle : ont-ils été construits sur des îles sableuses au milieu du fleuve ou étaient-ils localisés au pied du Nil comme c’est le cas aujourd’hui ? Ni l’un ni l’autre : des études géomorphologiques, paléoenvironnementales et sédimentologiques menées par Matthieu Ghilardi, chercheur au centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE) (CNRS/Universités de Provence et Paul Cézanne/IRD/Collège de France) montrent qu’au moment de leur édification (en 2000 avant JC) le Nil en était distant de 400 à 500 mètres. Ce n’est que 400 ans plus tard que le fleuve s’en rapprochera suite à un mouvement hydrodynamique. Ces travaux sont publiés dans la revue Journal of Archaeological Science.
Inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979, les temples de Karnak ont suscité depuis plus de deux siècles l’intérêt des archéologues et des égyptologues soucieux de restituer l’évolution de l’occupation du site. Depuis deux ans seulement, des recherches géomorphologiques et paléoenvironnementales se concentrant dans la partie ouest du complexe cultuel, ont permis d’appréhender la mobilité des paysages nilotiques au cours des derniers millénaires et de mieux comprendre les logiques d’implantation du site. En 2009 et 2010, les archéologues du Conseil Suprême des Antiquités d’Egypte et le Centre Franco-Egyptien d’Etude des Temples de Karnak (CFEETK-CNRS/Conseil suprême des antiquités d’Egypte) ont collaboré avec une équipe de géographes et de géomorphologues du CEREGE. Des carottages profonds (25 mètres sous la surface) ont été réalisés au pied du premier pylône (1), en complément de l’étude des nombreuses coupes stratigraphiques réalisées au pied d’un quai de grande taille récemment mis au jour. Les datations des dépôts par le radiocarbone 14 ont permis d’obtenir une chrono-stratigraphie précise des phases de sédimentation du Nil permettant de suivre l’évolution des paysages situés aux alentours.
Les analyses montrent qu’au moment de la première phase d’édification des temples de Karnak, les bâtiments ont été construits, non pas sur une île localisée au milieu du fleuve mais sur une levée sableuse (Gézirah) sur la rive droite, à une certaine distance du Nil (entre 400 et 500 m). Ce n’est qu’aux environs de 1600 avant JC (400 ans après les premières phases d’aménagement des temples de Karnak) que le Nil vient s’écouler pour la première fois dans le secteur actuel du premier pylône.
Ces travaux novateurs permettent de dresser un tableau de l’évolution des paysages nilotiques et de répondre aux interrogations des égyptologues. Ils ont ainsi remis en cause une théorie qui avait été élaborée par les égyptologues à partir d’une fresque retrouvée dans une tombe de la vallée des Rois (datant de 1300 avant JC) et représentant les temples de Karnak reliés au Nil par un canal à partir d’un bassin. Les analyses géomorphologiques des sédiments menées par Matthieu Ghilardi, chercheur CNRS au CEREGE prouvent que ce bassin n’a jamais existé et était une représentation imaginée des temples, bien loin de leur configuration originelle réelle.
Ces recherches paléoenvironnementales menées autour des temples pharaoniques de Haute Egypte ont été en partie financées par le CNRS (2). Les recherches géomorphologiques initiées à Karnak ont également été développées sur d’autres sites pharaoniques de haute Egypte : Coptos et Dendérah. D’autres études devraient bientôt suivre, à Tôd et Médamoud.
Notes :
(1) Portail des temples égyptiens.
(2) Par un PEPS (Projets Exploratoires/Premier Soutien) du CNRS.
Références :
Reconstructing the holocene depositional environments in the western part of Ancient Karnak temples complex (Egypt): a geoarchaeological approach. Matthieu Ghilardi, Mansour Boraik. Journal of Archaeological Science, DOI information: 10.1016/j.jas.2011.06.007
Source : communiqué de presse du CNRS
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