Durant l’été 2010, une équipe de recherche dirigée par Corinne Sanchez, chargée de recherche CNRS au laboratoire Archéologie des Sociétés méditerranéennes (1) a fouillé les sites de Port-la-Nautique et du Castelou près de Narbonne. Elle a mis au jour, au milieu des marécages, des structures portuaires jusque là recouvertes de sédiments. Ces découvertes confirment l’importance du port antique de Narbonne, considéré comme l’un des plus grands ports de l’Antiquité et montrent la volonté des Narbonnais de pérenniser une activité commerciale régulière. Deux opérations de fouilles se déroulent actuellement et jusqu’au 19 novembre 2010 afin de réaliser des sondages mécaniques et des prospections géophysiques subaquatiques complémentaires.
Considéré comme le deuxième port de l’empire romain en Occident après Ostie (2), le port antique de Narbonne fascine les archéologues depuis de nombreuses années. Afin de mettre en valeur les vestiges de la Capitale de la Gaule Narbonnaise, une équipe pluridisciplinaire de recherche a été mise en place dans le cadre d’un partenariat de quatre ans signé entre le CNRS, la région Languedoc-Roussillon (principaux financeurs de ce programme de recherche évalué à 2.6M€), l’Université Montpellier 3, l’Inrap, le ministère de la culture (DRAC et DRASSM) et une convention avec le Conservatoire du Littoral, propriétaire du site de recherche, en particulier celui du Castelou (3).
Au cours de l’été 2010, différents vestiges ont été mis au jour sur les sites du Castelou et de Port-la-Nautique après une première phase de recherche :
– Sur le site de Port-la-Nautique, les prospections géophysiques ont permis de repérer un canal d’une soixantaine de mètres de long qui se dirige vers de vastes entrepôts de « dolia » (grands vases de stockage). Cet aménagement suggère que du vin en vrac était amené par bateaux citernes et déchargé dans des ports spécialement aménagés pour le transfert.
– Sur le site du Castelou, plusieurs sondages ont mis en évidence deux jetées servant au déchargement des marchandises. Construites grâce à l’apport de matériaux divers comme des galets mais également des éléments de récupération de monuments et des déchets recyclés (amphores ou démolition de maisons romaines) elles étaient l’aboutissement de voies antiques et assuraient la communication entre la cité et sa zone lagunaire. Une plage aménagée, permettant l’accostage de petites embarcations a été également repérée. Autre découverte : durant l’Antiquité tardive des éléments architecturaux provenant d’un temple démantelé ont été utilisés pour renforcer le bas-côté de la chaussée. Ainsi, la parure monumentale de Narbonne, fort mal connue, réapparaît, loin de son implantation d’origine, à partir de ces vestiges remobilisés.
Dans ces zones restées humides depuis plusieurs siècles, les chercheurs ont retrouvé des structures en bois intactes (car protégées de l’air et de la lumière) : des renforts latéraux de la chaussée, des appontements, des ancrages d’une machine élévatrice (palan ou grue), plus de 200 pieux. Leur analyse en laboratoire permettra de déterminer les essences d’arbres utilisées et de reconstituer le couvert forestier de la région. L’étude des traces d’outils mettra par ailleurs en lumière les différentes techniques du travail du bois et le niveau des savoir-faire des artisans.
Le rôle portuaire de ces structures, qui s’avancent dans les marais est confirmé également par la présence de pierres étrangères à la géologie locale, comme le basalte ou l’ophiolite, utilisées comme rejets de lest de navires ainsi que d’éléments liés au commerce, omniprésents dans tous les sondages. Plusieurs lourdes masses métalliques provenant de la réduction de minerais de fer montrent le stockage sur place de cette matière première destinée à l’exportation.
Ainsi, la corrélation de toutes ces découvertes récentes apporte des données nouvelles sur l’aménagement du littoral narbonnais et la question des ports. Les fouilles de 2010 ont révélé en particulier l’importance des moyens mis en œuvre pour entretenir ces jetées pendant la totalité de la période antique, répondant à la volonté des Narbonnais de pérenniser coûte que coûte une activité commerciale régulière, non soumise aux aléas d’un fleuve fluctuant.
Notes :
(1) CNRS/ Ministère de la Culture/ Université Paul-Valéry/ Inrap.
(2) Le port antique de Rome, situé à l’embouchure du Tibre, à 35 km au sud-ouest de Rome.
(3) conjointement géré par la commune de Narbonne et le CPIE des Pays Narbonnais.
Source: communiqué de presse du CNRS
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