Une équipe internationale de chercheurs(1) vient d’établir, pour la première fois, grâce à la datation par le carbone 14, une chronologie absolue de l’Egypte dynastique (environ 1100-2700 ans avant J.-C.). L’analyse d’échantillons organiques, de courte durée de vie et archéologiquement attribués à un règne ou à une période égyptienne précise, permet de confirmer certaines estimations chronologiques mais impose aussi quelques révisions historiques. Ces résultats sont publiés dans la revue Science du 18 juin 2010.
Dans le but de mettre au point la chronologie absolue de cette période de l’Histoire, des chercheurs de laboratoires internationaux dont le Laboratoire de Mesure du Carbone 14 (CEA, CNRS, IRD, IRSN, Ministère de la Culture et de la Communication) ont collecté auprès de nombreux musées européens et américains, 211 échantillons d’objets égyptiens. Des graines, des paniers, des textiles, des plantes et des fruits, archéologiquement attribués à un règne ou une période égyptienne précise, ont été datés au carbone 14. « Le département des Antiquités Egyptiennes du Louvre nous a fourni des échantillons de vanneries, attribuées au règne de Thoutmosis III, l’un des règnes les plus importants de l’Egypte Ancienne », précise Anita Quiles, doctorante au Laboratoire de Mesure du Carbone 14. Une partie des datations a, en effet, été réalisée sur l’installation ARTEMIS(2) de ce laboratoire, unique spectromètre de masse par accélérateur en France.
Ces analyses, combinées à la durée connue ou supposée de chacun des règnes et leur succession, ont permis d’établir la première chronologie complète et précise des dynasties de l’Egypte ancienne.
La chronologie obtenue est en accord avec la plupart des travaux déjà menés. Cependant, elle impose quelques révisions historiques. Par exemple, l’Ancien Empire serait en réalité plus vieux que les estimations chronologiques jusqu’alors proposées. Elle suggère également que le règne de Djoser durant l’Ancien Empire, a commencé entre 2691 et 2625 avant J.-C. et que le Nouvel Empire a débuté entre 1570 et 1544 avant J.-C. Véritable source d’informations pour les égyptologues, cette chronologie va aussi contribuer au cadrage temporel plus précis des civilisations environnantes, telles la Nubie ou le Proche-Orient.
A propos de la datation par le carbone 14 :
Le carbone 14 est un isotope radioactif du carbone. La période radioactive du 14C, qui correspond au temps au bout duquel le nombre d’atomes est divisé par 2, est de 5730 ans. Le 14C est formé dans la haute atmosphère soumise au bombardement des rayons cosmiques. Dans l’environnement, un équilibre s’établit entre la production du 14C et sa disparition par désintégration. La valeur d’équilibre est d’un atome radioactif de 14C pour 1 000 milliards d’atomes de 12C non radioactif. Ce rapport se retrouve dans les organismes vivants, par la photosynthèse pour les plantes et par la chaîne alimentaire chez les animaux. A la mort de l’organisme, l’incorporation de 14C de l’environnement cesse et la quantité d’atomes de 14C diminue par décroissance radioactive tandis que celle de 12C reste constante. La datation repose sur la comparaison du rapport 14C/12C de l’échantillon avec celui d’un échantillon standard de référence. On peut ainsi en déduire l’âge de l’échantillon et remonter jusqu’à 50 000 ans environ.
Notes :
(1) Laboratoire de Mesure du Carbone 14 (CEA / CNRS / IRD / IRSN / Ministère de la Culture et de la Communication), Université Paris Diderot, Research Laboratory for Archaeology and the History of Art (Université d’Oxford), Labor, Fakultät für Physik, Isotopenforschung (Université de Vienne), The Recanati Institute for Maritime Studies (Université d’Haifa, Israel), Centre for Archaeological and Forensic Analysis, Department of Materials and Applied Sciences (Université de Cranfield).
(2) ARTEMIS : Accélérateur pour la Recherche en sciences de la Terre, Environnement, Muséologie Installé à Saclay.
Références :
Radiocarbon – Based Chronology for Dynastic Egypt, Christopher Bronk Ramsey, Michael W. Dee, Joanne M. Rowland, Thomas F. G. Higham, Stephen A. Harris, Fiona Brock, Anita Quiles, Eva M. Wild, Ezra S. Marcus, Andrew J. Shortland, Science, 17 juin 2010
Source: communiqué de presse du CNRS
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