Le fait de voir de la viande provoque un sentiment de non-agression qui pourrait être en lien avec les célébrations familiales des primates
Frank Kachanoff était surpris. Il pensait que la vue de la viande sur la table rendrait les gens plus agressifs, pas moins. Après tout, les entraîneurs de football n’offrent-ils pas à leurs joueurs de grosses pièces de viande rouge juste avant une partie, en espérant les stimuler? Et qu’en est-il de l’idée que nous nous faisons d’un animal qui grogne et rugit devant quiconque lui confisque sa viande? Ne serait-ce pas le cas chez les humains aussi?
Chercheur au Département de psychologie de l’Université McGill et manifestant un intérêt particulier pour l’évolution, Frank Kachanoff a plutôt découvert le contraire. Selon des travaux présentés lors d’un récent symposium tenu à McGill, le fait de voir de la viande semble rendre l’être humain significativement moins agressif. « J’étais inspiré par mes travaux sur l’amorçage et l’agression, qui indiquaient que le seul fait de regarder un objet qu’on a appris à associer à l’agression, comme un revolver, est susceptible de conduire une personne à se comporter de façon plus agressive. Je voulais savoir si nous pourrions réagir agressivement à certains stimuli de notre environnement, non pas à cause des associations acquises, mais à cause d’une prédisposition innée. »
L’idée que la viande entraînerait un comportement agressif avait du sens, puisque cela aurait aidé nos ancêtres primates à chasser, s’approprier et protéger leurs ressources de viande. Monsieur Kachanoff croyait que la prédisposition innée des humains à réagir agressivement à l’égard de la viande pouvait par conséquent avoir évolué, et il a recruté 82 sujets mâles pour tester sa théorie, à l’aide de techniques éprouvées visant à provoquer et mesurer l’agression. En elle-même, l’expérience était fort simple. Pendant qu’ils classaient des photographies, les sujets devaient punir un lecteur de scénario chaque fois qu’il commettait une erreur. Certaines images représentaient de la viande et d’autres, des images neutres. Les sujets croyaient qu’ils pouvaient infliger au lecteur de scénario des sons de volumes variés, y compris des sons provoquant de la douleur, des sons qu’il entendrait une fois sa lecture terminée. Étant donné les chercheurs prévoyaient que le groupe triant des images de viande infligerait davantage d’inconfort au lecteur, ils furent très surpris des résultats.
« Nous avons utilisé des images de viande prête à manger. En termes de comportement, avec le recul, il apparaît normal que nos ancêtres soient restés calmes, puisqu’ils étaient entourés d’amis et de membres de la famille au moment du repas », a expliqué monsieur Kachanoff. « J’aimerais reprendre cette expérience en utilisant des images de chasse. Peut-être que, l’année prochaine, l’Action de grâce sera le bon moment de remettre l’ouvrage sur l’enclume. »
Les psychologues de l’évolution croient qu’il est utile d’observer les réflexes innés de manière à mieux comprendre les tendances sociales et le comportement personnel. Les travaux de Frank Kachanoff sont importants parce qu’ils examinent les manières dont la société peut influencer les facteurs environnementaux pour réduire les risques de comportement agressif. Ses travaux ont été réalisés sous la direction du professeur Donald Taylor et de la doctorante Julie Caouette, du Département de psychologie de McGill, et ont été présentés lors du symposium annuel de science du premier cycle de l’Université.
Source: William Raillant-Clark – Université McGill
Laisser un commentaire