Selon une étude de l’Université Concordia, d’AMI-Québec et de l’Université de la Colombie-Britannique, l’ajustement des objectifs est essentiel pour prévenir les symptômes dépressifs chez les soignants familiaux
Prendre soin d’un membre de la famille atteint de maladie mentale peut être un parcours éprouvant, semé de sacrifices personnels et de problèmes psychologiques. Une nouvelle étude menée par l’Université Concordia, AMI-Québec et l’Université de la Colombie-Britannique révèle qu’à moins de recentrer leurs priorités et d’alléger leur fardeau, les personnes soignant un membre de leur famille atteint de maladie mentale peuvent vivre des symptômes dépressifs graves et des niveaux élevés de stress, d’auto-accusation et d’abus d’alcool ou d’autres drogues.« Le fait d’être le principal prestataire de soins d’un membre de la famille atteint de maladie mentale est un facteur de stress qui peut souvent représenter un lourd fardeau et contribuer à l’apparition de symptômes dépressifs », affirme l’auteur principal de l’étude, Carsten Wrosch, professeur au Département de psychologie de l’Université Concordia et membre du Centre de recherche en développement humain.
« Il peut s’avérer exténuant de prendre soin d’un parent atteint de maladie mentale – le fardeau de ces soignants est parfois plus lourd que celui des soignants de patients atteints de démence, poursuit le professeur Wrosch. Cela dit, même en pareille situation, les soignants peuvent éprouver un grand bien-être s’ils ajustent leurs objectifs et appliquent des stratégies d’adaptation efficaces. »
Publiée dans le numéro de mai du Journal of Personality and Social Psychology, l’enquête a observé des soignants familiaux pendant 17 mois et a conclu que ceux qui parvenaient à réviser leurs priorités se portaient mieux. L’équipe de recherche s’attendait à ce que les soignants capables d’ajuster des objectifs de vie essentiels (p. ex., carrière, vacances, etc.) puissent mieux s’adapter au stress et s’ancrer à cette résilience pour protéger leur équilibre affectif.
« Nous avons constaté que les participants qui renonçaient plus facilement à leurs objectifs se sentaient moins souvent responsables des problèmes associés à leur tâche et consommaient moins fréquemment de l’alcool ou des drogues pour réguler leurs émotions », explique la co auteure Ella Amir, diplômée de Concordia et directrice générale d’AMI-Québec, une organisation communautaire qui a pour mission d’aider les familles à gérer les conséquences de la maladie mentale.
« En outre, le fait d’éviter l’auto-accusation ou l’abus de substances était associé à un allègement du fardeau des soignants et à une atténuation de leurs symptômes dépressifs, poursuit Mme Amir. La capacité de se désengager par rapport à certains objectifs est un mécanisme protecteur contre la dépression, en partie parce qu’il réduit la probabilité du recours à l’auto-accusation ou à l’abus de substances. »
Les soignants sont parfois surmenés
Alors que la poursuite de nouveaux objectifs s’est révélée un facteur de motivation pour les soignants familiaux, le fait de s’adonner à de nouveaux passe-temps pouvait accroître leur surmenage. « Les soignants peuvent se surmener s’ils multiplient les objectifs et cet éparpillement peut les détourner de la résolution des facteurs de stress qui alourdissent leur fardeau », affirme le professeur Wrosch.
« La poursuite de nouveaux objectifs est une arme à double tranchant, ajoute-t-il. Tout en donnant du sens à la vie, elle accroît le fardeau du soignant. En effet, la maladie du membre de la famille peut soudainement s’aggraver et des stressants peuvent surgir inopinément au travail ou dans d’autres relations proches. »
Sur les 121 personnes qui ont participé à l’étude jusqu’à son terme, la plupart avaient environ 60 ans et avaient pris soin d’un parent pendant une moyenne de 16 ans. De plus :
- 78 % des soignants étaient des femmes et 22 % des hommes;
- 57 % étaient titulaires d’un diplôme de premier cycle ou de niveau plus élevé;
- 73 % étaient mariés ou cohabitaient avec un conjoint;
- 41 % avaient des membres de la famille atteints de schizophrénie;
- 37 % avaient des membres de la famille atteints de trouble de l’humeur;
- 22 % avaient des membres de la famille atteints d’autres troubles de la santé mentale, tels que le trouble obsessivo-compulsif ou l’hyperactivité avec déficit d’attention.
Partenaires de recherche :
Cette étude a été financée par les Instituts canadiens de recherche en santé, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le National Institute of Child Health and Human Development et la Fondation des maladies du cœur du Canada.
À propos de l’étude :
L’article « Goal Adjustment Capacities, Coping, and Subjective Well-Being: The Sample Case of Caregiving for a Family Member With Mental Illness », publié dans le Journal of Personality and Social Psychology, était cosigné par Carsten Wrosch et Ella Amir, de l’Université Concordia, et par Gregory E. Miller, de l’Université de la Colombie-Britannique.
Liens connexes :
- Étude citée : http://psycnet.apa.org/journals/psp/100/5/934
- Département de psychologie de l’Université Concordia : http://psychology.concordia.ca
- Centre de recherche en développement humain : http://crdh.concordia.ca/homee.html
- AMI-Québec : www.amiquebec.org
- Université de la Colombie-Britannique : www.ubc.ca
Source : Sylvain-Jacques Desjardins – Université Concordia
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