Le manteau et le noyau terrestre se côtoient à 2 900 kilomètres sous nos pieds au niveau d’une zone encore mystérieuse. Une équipe de géophysiciens vient de vérifier que la fusion partielle du manteau est possible dans cette région lorsque la température avoisine 4 200 kelvins, ce qui renforce l’hypothèse d’un océan magmatique profond. L’originalité des travaux menés par des chercheurs de l’Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (CNRS/UPMC/Université Paris Diderot/Institut de Physique du Globe/IRD), réside notamment dans l’utilisation de la diffraction de rayons X, sur une source de lumière de l’European Synchrotron Radiation Facility de Grenoble. Publiés dans Science le 17 septembre 2010, ces résultats auront des répercutions sur la compréhension de la dynamique, de la composition et de la formation des profondeurs de notre planète.
Au dessus du noyau externe de la Terre constitué de fer liquide, le manteau solide est composé pour l’essentiel d’oxydes de magnésium, de fer et de silicium. Leur frontière, située à 2900 kilomètres sous nos pieds, intrigue fortement les géophysiciens. Avec une pression de près de 1,4 million de fois la pression atmosphérique et une température de plus de 4000 kelvins, cette région est en effet le siège de réactions chimiques et de changements d’état de la matière encore méconnus. Tous les sismologues qui ont étudié la question ont constaté une brusque diminution de la vitesse des ondes sismiques, qui atteint parfois 30 % lorsqu’on s’approche à quelques kilomètres de cette frontière. Depuis près de 15 ans, ce constat a conduit à formuler l’hypothèse, aujourd’hui vérifiée, de la fonte partielle du manteau terrestre au niveau de cette frontière manteau-noyau.
Pour accéder aux profondeurs de la Terre, les scientifiques disposent non seulement d’images sismologiques mais également d’une technique expérimentale précieuse : les cellules à enclumes de diamants(1) couplées à un chauffage laser. Cet instrument permet de recréer les mêmes conditions de pression et de température que celles régnant à l’intérieur de la Terre, sur des échantillons de matière de quelques microns. C’est cette technique qu’ont employée les chercheurs de l’Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés(2) sur des échantillons naturels représentatifs du manteau terrestre qu’ils ont soumis à des pressions de plus de 140 gigapascals (soit 1,4 millions de fois la pression atmosphérique) et des températures de plus de 5 000 kelvins. L’une des nouveautés : l’utilisation de la diffraction de rayons X(3) au sein de l’anneau synchrotron européen ESRF. Ainsi, les scientifiques ont déterminé quelles phases minérales fondaient en premier et ont établi, sans extrapolation, des courbes de fusion du manteau terrestre profond (c’est-à-dire la caractérisation du passage de l’état solide à un état partiellement liquide). Leurs observations montrent que la fusion partielle du manteau est possible, dès lors que la température approche 4 200 kelvins. Ces expériences prouvent également que les liquides produits lors de cette fusion partielle sont denses, et qu’ils peuvent entraîner de nombreux éléments chimiques parmi lesquels des marqueurs importants de la dynamique du manteau terrestre. Ces études permettront aux géophysiciens et géochimistes de mieux connaître les mécanismes de différenciation de la Terre et l’histoire de sa formation commencée il y a quelques 4,5 milliards d’années.
Notes :
(1) Une cellule à enclume de diamant est un dispositif utilisé pour exercer des pressions extrêmes et ainsi simuler les conditions de pression existant au sein de certaines planètes.
(2) IMPMC : CNRS/UPMC/Université Paris Diderot/Institut de Physique du Globe de Paris/IRD.
(3) La diffraction des rayons X est une technique de caractérisation des matériaux, permettant la détermination de la nature cristallographique et chimique de la matière.
Références :
Melting of Peridotite to 140 Gigapascals, G. Fiquet, A.L. Auzende, J. Siebert, A. Corgne, H. Bureau,
H. Ozawa, G. Garbarino, Science, 17 septembre 2010
Source: communiqué de presse du CNRS
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