Les capacités olfactives uniques des mammifères ont dopé l’évolution du cerveau chez des parents ancestraux des mammifères actuels révèlent des paléontologistes dans une étude à paraître le 20 mai 2011 dans la revue hebdomadaire Science publiée par l’AAAS, la société scientifique à but non lucratif.
Cette découverte pourrait expliquer pourquoi les mammifères ont développé un cerveau aussi gros et complexe, celui-ci atteignant parfois 10 fois la taille relative attendue par rapport au reste du corps. L’étude de fossiles de mammifères du début du Jurassique, Morganuocodon et Hadrocodium, a permis aux auteurs de montrer que le cerveau des mammifères a évolué en trois étapes. D’abord grâce à une amélioration de l’olfaction, puis avec celle du sens du toucher à partir du pelage et enfin par la coordination neuromusculaire ou la capacité à faire bouger des muscles adaptés liés aux sens.
« Nous disposons maintenant d’une bien meilleure idée de l’histoire et de l’importance qu’ont eu les différents systèmes sensoriels au cours de l’évolution précoce des mammifères. Un tableau bien plus vivant se dégage de l’aspect et du comportement des premiers mammifères et de nos propres ancêtres » indique le premier auteur de l’étude Tim Rowe, directeur du laboratoire de paléontologie des vertébrés de l’Université du Texas à Austin.
Les chercheurs ont eu recours à une technique d’imagerie médicale appelée tomodensitométrie, ou scanner, pour reconstituer les moulages endocrâniens de fossiles vieux de 190 millions d’années de Morganuocodon et Hadrocodium trouvés en Chine. Ces animaux minuscules ressemblant à des musaraignes seraient les précurseurs des mammifères actuels. Un moulage endocrânien est une empreinte de l’intérieur de la boîte crânienne et ceux utilisés dans l’étude se sont produits naturellement au cours de la fossilisation.
La tomodensitométrie est une technique indispensable pour analyser des fossiles fragiles car elle permet aux chercheurs d’obtenir des images précises en trois dimensions de la boîte crânienne sans devoir la détruire pour accéder au moulage interne.
L’équipe de Rowe a passé plusieurs années à analyser au scanner une quinzaine de moulages endocrâniens de pré-mammifères dans le service de tomographie à rayons X de haute résolution de l’Université du Texas à Austin. Les relevés sont archivés et disponibles gratuitement en ligne à www.digimorph.org.
Les images obtenues ont offert aux chercheurs une vue interne agrandie du crâne et des fosses nasales des fossiles. L’équipe a pu observer que ces cavités et les régions liées à l’odorat étaient très présentes chez les fossiles ainsi que les régions cérébrales chargées de traiter les informations olfactives. Ceci caractérise un sens de l’odorat bien développé chez les pré-mammifères.
L’étude a aussi porté sur l’influence que pouvait avoir le développement du pelage sur la taille du cerveau. Le Hadrocodium, par exemple, de la taille d’un trombone, avait une fourrure tandis que des restes fossilisés de peau ou de pelage d’animaux proches de Morganuocodon suggèrent qu’il possédait aussi un pelage. Les auteurs pensent que ces premiers mammifères poilus ont rapidement développé un sens aigu du toucher ou une sensibilité tactile liée à une coordination motrice accrue.
Plutôt que garder la chaleur, les poils servaient à l’origine de minuscules contrôleurs aériens pour aider les pré-mammifères à se faufiler sans dommages dans les anfractuosités. Cette sensibilité tactile augmentée aurait finalement abouti selon les auteurs à la formation de régions sensorielles complexes dans le néocortex du cerveau des mammifères.
Comme le néocortex est impliqué dans la perception sensorielle et la production de commandes motrices, l’amélioration de sa fonction a probablement conduit à une amélioration des capacités motrices et de la coordination neuromusculaire des premiers mammifères. Dans les deux fossiles étudiés, le cervelet, région du cerveau responsable de l’intégration sensori-motrice, s’est tellement agrandi qu’il a commencé à se plisser plusieurs fois, ce qui vient étaye l’idée que les premiers mammifères ont très développé leur coordination musculaire.
La comparaison de moulages endocrâniens de mammifères avec ceux d’autres groupes comme des reptiles primitifs appelés cynodontes révèle que le cerveau de Morganuocodon et de Hadrocodium était près de 50 pour cent plus gros que celui premiers précurseurs des mammifères. L’ensemble de ces résultats souligne que la capacité des premiers mammifères à exploiter un monde d’informations riche en odeurs les a rendu extrêmement différents de leurs plus proches parents éteints.
« Maintenant que nous avons un tableau général du cerveau chez les mammifères ancestraux, nous projetons d’explorer la diversification du cerveau et des systèmes sensoriels qui a suivi lorsque les mammifères ont poursuivi leur évolution. Cela permettra d’élucider de nouveaux secrets sur la manière dont sont apparus chez les mammifères des cerveaux énormes et des adaptations sensorielles extrêmes comme l’électroréception de l’ornithorynque ou le sonar des baleines et des chauves-souris. Tout cela est vraiment passionnant ! » ajoute Rowe.
Source : Natasha Pinol – AAAS
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