Sixième élément sur Terre par son abondance, le soufre joue un rôle essentiel dans de nombreux processus géologiques et biologiques. Une équipe franco-allemande (1), qui implique notamment le CNRS et l’Université Paul Sabatier, a identifié, à partir de mesures en laboratoire, une forme encore inédite de soufre présente dans les fluides géologiques : l’ion S3(-). Cette découverte chamboule les idées qu’on se faisait du transport géologique du soufre et pourrait offrir des pistes pour localiser de nouveaux filons de métaux précieux (comme l’or ou le cuivre). Ces résultats sont publiés le 25 février 2011 de la revue Science.
L’identification des espèces chimiques par une méthode optique, la spectroscopie Raman, a stupéfait les chercheurs : ce ne sont pas deux, mais trois formes de soufre qu’ils ont identifiées, la troisième étant l’ion trisulfure S3–. Cette découverte a été une double surprise : si S3– était déjà connu des chimistes (il est présent, par exemple, dans les verres silicatés soufrés et les pigments de bleu outremer), il n’avait jamais été observé en solution aqueuse.
La détection de S3– lors de ces expériences signifie que le soufre doit être considérablement plus mobile dans les fluides hydrothermaux de la croûte terrestre qu’on ne l’imaginait. En effet, contrairement aux sulfures et aux sulfates, qui se fixent dans des minéraux dès qu’ils apparaissent dans les fluides, S3– s’est montré très stable en phase aqueuse. Autrement dit, sous terre, cet ion doit circuler sur de longues distances sous forme dissoute, emportant les métaux nobles auxquels il est éventuellement lié. Ainsi, cette forme chimique est probablement le vecteur principal des métaux dans deux grands types de gisements d’or et de cuivre : les ceintures de roches dites archéennes (3) et les magmas des zones de subduction.
Cette découverte pourrait donner des indicateurs complémentaires pour la recherche de nouveaux gisements, en aidant les géologues à localiser les voies empruntées par les métaux avant qu’ils ne se concentrent en filons. Par ailleurs, la présence de S3– dans les fluides hydrothermaux pourrait affecter les modèles de fractionnement isotopique du soufre (sortes d’équivalent pour le soufre de la technique de traçage du carbone 14), qui ont jusqu’à présent ignoré cette forme chimique. Ces nouveaux résultats pourraient par exemple aider à remonter aux conditions géologiques qui régnaient dans la croûte terrestre et à la surface de la Terre lors des premiers instants de la vie.
Notes :
(1) Laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse » (CNRS/Université Paul Sabatier/IRD) et Bayerisches Geoinstitut/Université de Bayreuth.
(2) Un fluide hydrothermal est une solution naturelle aqueuse et chaude dont la température est généralement supérieure à 100 °C.
(3) Ces roches se sont formées pendant la période archéenne soit entre -4 et -2,5 milliards d’années.
Références :
The S3– Ion Is Stable in Geological Fluids at Elevated Temperatures and Pressures. Gleb S. Pokrovski and Leonid S. Dubrovinsky. Science. 25 février 2011
Source: CNRS
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