Convertir du dioxyde de carbone (CO2) pour obtenir une classe de molécules à la base de la fabrication de textiles, médicaments, et colles : c’est le défi d’une équipe de chercheurs du CEA et du CNRS (1), dont les travaux mis en ligne ces jours-ci, font l’objet d’une publication qualifiée de « Very Important Paper » (VIP) par les experts de la revue Angewandte Chemie de janvier 2012. Alors que nos ressources pétrolières deviennent insuffisantes et que nous souhaitons limiter les émissions de CO2 associées à leur usage, l’utilisation de ce déchet pour produire des composés chimiques réutilisables, est une alternative prometteuse à la pétrochimie. L’approche scientifique présentée est une démarche innovante qui satisfait les exigences de la « chimie verte ».
Le CO2 est le déchet ultime de la combustion des hydrocarbures, tels que le pétrole ou le gaz naturel, mais aussi de toute autre activité industrielle utilisant des ressources carbonées fossiles. Ce produit, de basse énergie, est faiblement réactif. Il s’accumule dans l’atmosphère et, en tant que gaz à effet de serre, participe au réchauffement climatique. Réduire nos émissions de CO2 et utiliser le CO2 existant sont donc deux défis actuels majeurs. Une voie audacieuse pour répondre d’un coup à ce double défi est de trouver le bon procédé capable d’apporter suffisamment d’énergie pour fonctionnaliser la molécule de CO2 et la convertir en carburant ou en consommable chimique, issus aujourd’hui des produits pétroliers.
Une nouvelle façon de recycler le CO2
Jusqu’à présent, deux approches étaient régulièrement privilégiées pour recycler le CO2 : la première consistait à incorporer le CO2 dans des matériaux sans valeur énergétique (comme les plastiques à base de polycarbonate par exemple). La deuxième approche visait, quant à elle, à utiliser le CO2 comme vecteur énergétique, pour produire de nouveaux carburants (l’acide formique et le méthanol). L’inconvénient de ces deux procédés, bien distincts, est qu’ils permettent de produire un nombre très limité de molécules et que la majorité des produits de base de l’industrie chimique reste issue de la pétrochimie.
Aujourd’hui, grâce aux recherches menées par l’équipe du CEA / CNRS du SIS2M (1), une approche alternative est possible. Selon un procédé chimique original, la voie proposée vise à incorporer des molécules de CO2 dans des matériaux, tout en lui fournissant de l’énergie. A noter que la réaction mise au point repose sur une source d’énergie d’origine chimique. Cette démarche, qui permet dans le principe de produire une grande diversité de molécules, a été validée par les expériences conduites cette année dans les laboratoires de l’unité mixte de recherche CEA / CNRS. Ainsi, il est désormais possible de convertir du CO2 en formamides, c’est-à-dire en molécules issues habituellement de la pétrochimie. Ces molécules sont à la base de la production de colles, de peintures ou encore de produits textiles.
Une voie conforme aux exigences de la chimie verte
La synthèse industrielle des formamides repose généralement sur des méthodes pétrochimiques, en plusieurs étapes, mettant en jeu un gaz toxique (le monoxyde de carbone) utilisé à haute température et haute pression. A contrario, la méthode de conversion du CO2 employée par les chercheurs du CEA / CNRS répond aux exigences de la chimie verte, du fait qu’elle s’effectue en une seule étape et que l’utilisation d’un catalyseur (2) permet à la réaction d’avoir lieu à basse température et à basse pression. De plus, le catalyseur utilisé par l’équipe du CEA/CNRS est purement organique, ce qui évite le recours à des matières métalliques toxiques et coûteuses, comme l’or, le platine ou le cobalt. Enfin et grâce à ce procédé, la réaction peut s’effectuer sans solvant et limiter ainsi le rejet de déchets.
Cette nouvelle voie pour le recyclage du CO2 pourrait contribuer à résoudre le problème de la raréfaction des ressources pétrochimiques et à la réduction des gaz à effet de serre. La réaction mise au point reposant actuellement sur une source d’énergie d’origine chimique, le prochain travail des chercheurs vise à réussir la conversion du CO2 à partir d’une source d’énergie électrique décarbonée telle que l’énergie nucléaire ou photovoltaïque. Validé en laboratoire, ce procédé ouvre la voie à de nombreux développements technologiques et industriels, indispensables pour répondre aux contraintes économiques et écologiques auxquels doivent faire face les sociétés industrialisées.
Notes :
A Diagonal Approach to Chemical Recycling of Carbon Dioxide: New Organocatalytic Transformation for the Reductive Functionalization of CO2
C. Das Neves Gomes, O. Jacquet, C. Villiers, P. Thuéry, M. Ephritikhine, and T. Cantat*
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Références :
(1) SiS2M (Service Interdisciplinaire sur les Systèmes Moléculaires et les Matériaux)
(2) Molécule qui, ajoutée en petite quantité, accélère la vitesse d’une réaction et qui revient à sa forme
initiale à la fin de la réaction. Les enzymes sont des catalyseurs biologiques.
Source : communiqué de presse du CNRS
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