Visualiser en temps réel et en direct le mouvement et les propriétés des électrons à l’échelle atomique : un rêve de physicien devenu réalité. Grâce aux techniques laser de pointe comme celles des impulsions laser ultrabrèves attoseconde 1, très récemment développées par le groupe d’Anne l’Huillier au Lund Center Laser (Suède), une équipe internationale, comptant deux chercheurs CNRS en France 2, a en effet mis au point une expérience permettant de « filmer » le déplacement des électrons… ainsi que les interférences provoquées par ces particules en mouvement dans un champ électrique.
Les électrons sont des objets quantiques dont le comportement ne peut être décrit que de manière probabiliste. La propriété qui les rend si différents des objets ordinaires est une quantité mathématique, la « phase », qui leur permet de suivre plusieurs chemins à la fois pour atteindre un point donné. Jusqu’alors, obtenir une image expérimentale de la trajectoire de ces électrons et de leur phase était impossible car leur mouvement est tout simplement trop rapide pour être observé.
C’était compter sans l’inventivité de notre équipe de chercheurs. La clé de leur succès : tenter de filmer et de suivre les déplacements et les interférences des électrons sous forme de paquets d’ondes. Quèsaco ? On le sait, les électrons ont des propriétés ondulatoires : à l’état de repos, dans un atome, ils existent sous forme d’ondes stationnaires. C’est la superposition de ces ondes, appelée paquet d’ondes, qui permet aux électrons d’acquérir un mouvement.
Retour, donc, à la fameuse expérience : « Une séquence d’impulsions laser attoseconde a été utilisée pour arracher les électrons d’atomes d’argon, ce qui était impossible avec les techniques laser antérieures, et les éjecter sous forme de paquets d’ondes, explique Franck Lépine 3. Ceux-ci interagissent avec le champ électrique créé par une impulsion laser infrarouge femtoseconde 4, pour créer des interférences. » Ce sont ces dernières que nos chercheurs ont captées, ce qui leur a permis de reconstituer le mouvement ainsi que la phase des électrons. « Combinée à l’imagerie, la technique laser attoseconde est unique par sa capacité à nous montrer à quoi ressemble un électron à travers une image expérimentale instantanée », conclut le scientifique. Prochaine étape : l’étude du mouvement des électrons dans une molécule, une ambition désormais à la portée de nos chercheurs.
Notes :
1. Une attoseconde vaut 10-18 seconde.
2. Franck Lépine, du Laboratoire « Spectrométrie ionique et moléculaire » (CNRS / Université Lyon-I), et Rodrigo Lopez-Martens, du Laboratoire d’optique appliquée (LOA, CNRS / ENSTA / École polytechnique/ Université Paris-XI).
3. Il est signataire de l’article publié dans Nature Physics, vol. 2, n° 5, mai 2006, Letters, pp. 323-326.
4. Une femtoseconde vaut 10-15 seconde.
Source : Alissar Cheaï – CNRS
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