Genève, le 23 mai 2011. Les trois expériences LHC qui étudient les collisions d’ions plomb ont présenté aujourd’hui leurs tout derniers résultats à l’occasion de la conférence annuelle Quark Matter, organisée cette année à Annecy (France). Ces résultats se fondent sur l’analyse des données recueillies au cours des deux dernières semaines de l’exploitation du LHC en 2010, suite au passage du mode protons au mode ions plomb. Toutes les expériences font état de mesures très fines, qui ouvrent à la physique des ions lourds une nouvelle ère d’études de haute précision.
« Les résultats du programme ions plomb du LHC jettent déjà une lumière nouvelle sur l’univers primordial, a indiqué le Directeur général du CERN1, Rolf Heuer. Les subtilités qu’il permet d’ores et déjà de déceler sont impressionnantes. »
Dans ses tout premiers instants, quelques microsecondes à peine après le Big Bang, l’Univers consistait en un plasma de quarks et de gluons, les constituants fondamentaux de la matière. En faisant entrer des ions lourds en collision, les physiciens peuvent remonter le temps et recréer les conditions qui prévalaient alors, nous permettant de comprendre l’évolution de l’univers primordial.
Le programme ions lourds du LHC s’appuie sur des expériences menées il y a plus d’une décennie auprès du Supersynchrotron à protons (SPS) du CERN, qui avaient trouvé des indices donnant à penser que le plasma pouvait être créé et étudié en laboratoire. Le Collisionneur d’ions lourds relativistes (RHIC) du Laboratoire national de Brookhaven (États-Unis) avait pris la relève en 1999 et établi de manière fiable que le plasma de quarks et de gluons pouvait être créé à une échelle infinitésimale. Pour la première fois cette année, des résultats du LHC seront présentés à la conférence Quark Matter.
Les résultats de l’expérience ALICE ont apporté des éléments de preuve que la matière créée dans les collisions d’ions plomb est la plus dense jamais observée : sa température est plus de 100 000 fois supérieure à celle régnant à l’intérieur du Soleil et elle est plus dense que les étoiles à neutrons. Ces conditions permettent d’étudier les propriétés du plasma avec une précision sans précédent. ALICE a confirmé la découverte des expériences du RHIC : le plasma de quarks et de gluons se comporte presque comme un fluide parfait, pratiquement dépourvu de viscosité. Lors de la présentation de ses résultats, la collaboration ALICE a également traité du comportement des particules énergétiques dans le plasma de quarks et de gluons.
« Nous sommes très enthousiastes face à la pléthore d’observables qui remettent en question beaucoup d’interprétations théoriques, a indiqué Paolo Giubellino, porte-parole d’ALICE. Les capacités extraordinaires qu’a notre détecteur de fournir des informations détaillées sur les milliers de particules créées dans chaque collision s’avèrent essentielles pour comprendre le plasma de quarks et de gluons. »
La collaboration ATLAS a réalisé une étude complète des collisions d’ions lourds. Cette analyse porte entre autres sur les propriétés d’ensemble comme le nombre et les distributions des particules chargées émergeant du plasma, qui viennent élucider la dynamique des collisions et les propriétés de transport dans ce milieu. Elle a aussi procédé à des sondes dures du milieu, comme on les appelle, qui incluent des mesures de la production de bosons W et Z, de charmonium et de jets de particules.
« La première exploitation du LHC avec ions lourds a été un grand succès pour ATLAS, a indiqué Peter Steinberg, de Brookhaven, coresponsable du groupe ions lourds de la collaboration. Associer des mesures d’ensemble et des sondes dures dans les collisions d’ions lourds au LHC permet de mieux comprendre à la fois la nature de ce milieu chaud et dense et les processus de chromodynamique quantique qui conduisent à l’étouffement des jets. »
L’étouffement de jets, un phénomène que l’expérience ATLAS a été la première à observer l’an dernier, se produit lorsque des jets de particules formés dans une collision sont largement éliminés pendant qu’ils traversent la région turbulente du plasma.
CMS a observé un certain nombre de nouveaux phénomènes, notamment la production de bosons W et Z. De nouvelles études ont été réalisées sur l’étouffement de jets et pour caractériser le comportement de la matière reproduisant les conditions extrêmes qui prévalaient juste après la naissance de l’Univers. L’observation la plus frappante de CMS est l’importante suppression des états faiblement liés du quark b dans les collisions plomb-plomb. Un phénomène crucial pour comprendre les propriétés du plasma de quarks et de gluons.
« Nous entrons dans une nouvelle ère d’études de haute précision sur la matière en interaction forte à des énergies inégalées à ce jour, a indiqué Guido Tonelli, porte-parole de CMS. En exploitant tout le potentiel du détecteur CMS, nous produisons des signatures sans équivoque de ce nouvel état de la matière et élucidons beaucoup de ses propriétés.
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1. Le CERN, Organisation européenne pour la recherche nucléaire, est le plus éminent laboratoire de recherche en physique des particules du monde. Il a son siège à Genève. Ses États membres actuels sont les suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse. La Roumanie est un candidat à l’adhésion. La Commission européenne, les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, l’Inde, Israël, le Japon, la Turquie et l’UNESCO ont le statut d’observateur.
Source : CERN
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