À l’heure où il monte en puissance et où il bat des records mondiaux, le Grand collisionneur de hadrons fait vivre à toute la communauté du CERN une période passionnante. Pour savoir ce que cela signifie pour l’informatique, le Bulletin a rencontré cette semaine Ian Bird, le responsable de la Grille de calcul mondiale pour le LHC (WLCG), qui est convaincu que tout est prêt pour l’enregistrement des premières données.
La collaboration de la Grille de calcul mondiale pour le LHC (WLCG), qui existe depuis 2001, n’a cessé ces dernières années de traiter les opérations des expériences afin d’être prête à recueillir les données du LHC. Jusqu’à présent, les nombreuses simulations de grande envergure de toute la chaîne des logiciels de restitution et d’analyse ne pouvaient être réalisées qu’au moyen de simulations de Monte Carlo. Aujourd’hui, pour la première fois, le système commence à fonctionner avec des données réelles, auxquelles peuvent accéder simultanément de nombreux utilisateurs du monde entier.
«Au cours de la grande campagne d’essais de 2009 (STEP’09), plusieurs étapes importantes ont été franchies: premièrement, les débits de transfert de données assurés ont largement dépassé les spécifications – nous avons atteint des débits cumulés proches de 4 Go/s – soit plus de deux fois supérieurs aux débits requis – à titre d’exemple, cela revient à transférer les informations d’un DVD chaque seconde. Deuxièmement, les sites de niveau 1 ont montré qu’ils pouvaient accepter ce flux de données, l’archiver sur des bandes et restituer simultanément les données en vue de leur traitement, au débit requis pour l’exploitation à pleine échelle du LHC, et, dans de nombreux cas, bien au-dessus de ce débit. Enfin, encore plus important peut-être, les expériences ont pu démontrer que le système pouvait prendre en charge un grand nombre d’utilisateurs effectuant des analyses de données de physique «réelles», explique Ian Bird.
Bien entendu, les expériences recueillent depuis plusieurs années des données réelles issues des rayons cosmiques (sans parler des données sur les collisions réelles obtenues ces dernières semaines!) et utilisent déjà bel et bien l’ensemble du système de la grille pour aligner et étalonner leurs détecteurs en préparation de la saisie de données à grande échelle. «Nous sommes convaincus que le système est prêt, d’autant plus qu’il est déjà utilisé tous les jours!», confirme Ian Bird.
Malgré toutes les simulations et les tests qu’il est possible de réaliser, aucun système ne peut entièrement être compris tant qu’il n’a pas été utilisé en conditions réelles. «Nous aurons sans doute des surprises lorsque nous commencerons à traiter les données réelles, et nous devons être prêts à réagir et à nous adapter rapidement. Même si en 2009 nous avons fait de gros progrès pour prendre en charge de nombreux autres utilisateurs en plus des spécialistes, nous avons encore beaucoup à faire. Il s’agit sans doute de l’un des domaines où nous devons être prêts à nous adapter et à améliorer les choses. Nous avons pour cela plusieurs solutions, que nous mettrons en œuvre cette année», poursuit Ian Bird.
Ces dernières années, WLCG a participé à plusieurs projets d’infrastructure de grille, notamment EGEE, en Europe, et OSG, aux États-Unis. Aujourd’hui, le paysage des grilles européennes est en train de changer, car le projet EGEE arrivera à son terme en avril 2010 et une nouvelle structure, fondée sur des infrastructures de grille nationales et coordonnée au niveau européen, sera mise en place. «Cela pourrait beaucoup changer l’infrastructure de WLCG et, évidemment, il est regrettable que cela intervienne au moment du lancement du programme de physique du LHC», admet Ian Bird. «Mais il faut faire avec, et nous devons faire en sorte que cette transition soit aussi douce que possible».
Les initiateurs de ce grand projet doivent à ce stade être très impatients. «Toutes les grandes idées que nous avions explorées n’ont certes pas vu le jour, mais, d’un autre côté, les débits de données et les opérations que nous assurons sont déjà bien supérieures aux prévisions», précise Ian Bird. «La collaboration mondiale dans le domaine de l’informatique que nous avons créée dans le cadre de WLCG est vraiment une première et je pense que nous pouvons tous en être fiers – elle servira certainement de modèle à d’autres communautés scientifiques internationales en projet, dont le volume de données éclipsera à terme celui du LHC, mais nous aurons été les premiers! Le moment est venu maintenant de tester le système avec des données réelles…»
Source : Danielle Amy Venton – CERN
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