Il était admis que l’altération des papiers provoquée sur les manuscrits anciens par la présence d’encres ferrogalliques résultait principalement de deux phénomènes : l’hydrolyse et l’oxydation. Des scientifiques du Centre de recherche sur la conservation des collections (Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS/ministère de la Culture et de la Communication) et de l’Université d’Anvers en Belgique, viennent de démontrer que l’oxydation est le processus dominant de la dégradation des manuscrits. Ce phénomène pourrait être inhibé par une diminution drastique de la quantité d’oxygène. Menés notamment sur les synchrotrons SOLEIL et HASYLAB, ces travaux viennent d’être publiés dans la revue Analytical Chemistry.
Les encres ferrogalliques sont généralement composées de sels de fer, de gomme arabique et d’extraits aqueux de noix de galle. En Occident, ces encres noires ont été largement utilisées pour l’écriture depuis le Moyen-Âge jusqu’au début du XXe siècle. Dans certaines conditions, elles provoquent une altération importante du support papier, qui devient brun et cassant, jusqu’à parfois tomber en poussière. Les informations portées par les manuscrits, souvent de véritables trésors du patrimoine, sont alors perdues.
La dégradation du papier est généralement présentée comme résultant de deux phénomènes : l’hydrolyse acide de la cellulose, favorisée par l’humidité et l’acidité du papier, et l’oxydation de la cellulose, due à l’oxygène ambiant et exacerbée par la présence d’ions ferreux (Fe2+). Les équipes de Véronique Rouchon au Centre de recherche sur la conservation des collections (CRCC, CNRS/MNHN/ministère de la Culture et de la Communication) et Koen Janssens au département de chimie de l’Université d’Anvers ont cherché à identifier quel est, de l’hydrolyse ou l’oxydation, le processus dominant d’altération des manuscrits écrits avec des encres ferrogalliques.
Des papiers modèles, imprégnés d’encres ferrogalliques, ont été stockés pendant quelques mois dans des environnements plus ou moins humides et avec des concentrations variées en oxygène. Une originalité de cette étude réside dans le fait que la dégradation du papier a été suffisamment rapide pour être observée à température ambiante. Sur les papiers encrés, l’oxydation du fer, à savoir la transformation des ions ferreux (Fe2+) en ions ferriques (Fe3+), a été mesurée en fonction du temps par spectroscopie d’absorption des rayons X sur les lignes de lumière DIFFABS et « L », deux installations expérimentales des synchrotrons SOLEIL (St Aubin, France) et HASYLAB (Hambourg, Allemagne). Il s’agissait d’estimer si un lien direct pouvait être établi entre les teneurs en ions ferreux et la dégradation du papier.
Les résultats montrent que la dégradation de la cellulose est conditionnée par la présence d’oxygène et parfaitement indépendante de l’humidité relative. Ainsi, l’oxydation est le mécanisme dominant d’altération des manuscrits. Cette oxydation de la cellulose est directement liée à la présence de fer dans le papier. En revanche, elle semble peu corrélée à l’état d’oxydation du fer, à savoir aux teneurs en ions ferreux (Fe2+) ou ferriques (Fe3+), lesquelles dépendent directement de la présence conjointe d’oxygène et d’humidité.
Cette recherche envisage également d’utiliser des techniques d’anoxie, c’est-à-dire de diminution de la quantité d’oxygène, pour la conservation des manuscrits. Elle montre aussi l’intérêt d’étudier des méthodes « anti-oxydantes » pour le traitement des manuscrits les plus endommagés.
Recherche réalisée avec le soutien financier du Programme national de recherche sur la connaissance et la conservation des matériaux du patrimoine culturel du ministère français de la Culture et de la Communication, du programme « NACHO » de la Politique fédérale belge des Sciences et du 7e programme cadre de la Communauté européenne.
Références :
Room temperature study of the degradation of iron gall ink impregnated paper under various oxygen and humidity conditions – time-dependent monitoring by viscosity and X ray Absorption Near Edge Spectrometry measurements. Rouchon V. et al., Analytical Chemistry, DOI: 10.1021/ac1029242 (2011).
Source: communiqué de presse du CNRS
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