Des scientifiques du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) (1), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (2) et de l’installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF) (3) apportent des éléments clés pour expliquer le curieux phénomène de surfusion, cet état de la matière où un liquide ne gèle pas alors même qu’il est à une température inférieure à son point de cristallisation. La surfusion est un phénomène que l’on peut observer au quotidien puisque les nuages sont une accumulation de gouttelettes d’eau en surfusion. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 22 avril 2010.
Si la surfusion a été découverte dès 1724 par Fahrenheit, de nombreuses questions sur son mécanisme restent encore aujourd’hui sans réponse. Actuellement, les théoriciens postulent que la structure interne des liquides pourrait être incompatible avec la cristallisation. Des modèles théoriques suggèrent que les atomes dans les liquides s’organisent en pentagones. Or, pour former un cristal, il faut une structure qui peut être répétée périodiquement, de façon à remplir tout l’espace, ce que la forme pentagonale ne permet pas. Couvrir sans interruption un plancher avec des pavés pentagonaux est impossible alors que cela l’est avec des pavés triangulaires, rectangulaires ou hexagonaux. Pour que la cristallisation puisse avoir lieu, la structure pentagonale doit être cassée afin que les atomes se réarrangent.
Jusqu’à aujourd’hui, la preuve expérimentale que ces structures pentagonales pouvaient être la cause de la surfusion n’avait pas été apportée. En étudiant par rayonnement synchrotron un alliage de silicium et d’or à l’état liquide, les chercheurs ont pu prouver que l’ordre pentagonal était à l’origine de la surfusion. « Nous avons étudié ce qui se passe dans un liquide en contact avec une surface sur laquelle une structure de symétrie 5 peut être réalisée (une surface de silicium 111 avec un revêtement spécial) », explique Tobias Schülli, premier auteur de l’article. « Nos expériences montrent qu’une surfusion très importante, inobservée dans ces alliages jusqu’à aujourd’hui, se produit sur une telle surface. Nous avons fait la même expérience avec des surfaces de silicium présentant une symétrie 3 ou 4 et dans ces cas, la cristallisation a eu lieu à des températures bien plus élevées ».
C’est au cours de travaux sur la croissance de nanofils de semi-conducteurs que les chercheurs ont découvert cette propriété des liquides qui favorise la surfusion. En observant le premier stade de croissance de nanofils, ils ont pu constater que l’alliage métal/semi-conducteur utilisé restait liquide à une température bien inférieure à son point de cristallisation, et ont décidé d’explorer le phénomène. Ces alliages liquides attirent beaucoup l’attention car ils permettent la croissance de structures semi-conductrices à des températures de croissance faibles.
Les nanofils de semi-conducteurs sont des candidats prometteurs pour de futurs dispositifs. A titre d’exemple, les chercheurs travaillent sur l’intégration de nanofils de silicium en nanoélectronique ou dans les cellules solaires photovoltaïques, ce qui permettrait d’augmenter le rendement de ces dernières. La surfusion pourrait aussi avoir des applications métallurgiques. Elle permettrait de mettre au point certains alliages à plus basse température.
Notes :
(1) Institut nanosciences et cryogénie du CEA Grenoble : Consulter le site web
(2) Institut Néel (CNRS, Grenoble) et unité « Science et ingénierie, des matériaux et procédés » (Institut Polytechnique de Grenoble / CNRS / Université Grenoble 1)
(3) European Synchrotron Radiation Facility
Références :
« Substrate-enhanced supercooling in AuSi eutectic droplets », Nature, 22 April 2010
T. U. Schülli, R. Daudin, G. Renaud, A. Vaysset, O. Geaymond & A. Pasturel
Source: communiqué de presse du CNRS
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