Qu’ont en commun les circonvolutions de notre cerveau, l’apparition des rides sur la peau, la formation des chaînes de montagnes et des empreintes digitales ? Toutes ces structures, pourtant si différentes, résultent d’un même processus : la compression d’une « feuille rigide ». Une équipe franco-belge impliquant le Laboratoire de physique statistique (CNRS/ENS Paris/UPMC/Université Paris Diderot) et le Laboratoire « Interfaces et Fluides Complexes » de l’Université de Mons en Belgique vient de révéler l’un des mystères de la formation de ces structures plissées. Ces travaux permettent de mieux comprendre et donc de prédire leur apparition. Ils sont publiés le 31 octobre 2010 dans la revue Nature Physics.
Prenez une feuille mince d’un matériau solide et essayez de la comprimer de façon à ce qu’elle reste plane. Vous n’y parviendrez pas, la feuille se courbe systématiquement sur toute sa longueur. C’est ce qu’on appelle le flambage. Collons maintenant cette feuille sur un substrat mou et épais, comprimez la à nouveau de la même manière : cette fois, elle forme de petites ondulations extrêmement régulières caractérisées par une certaine distance, appelée période (voir l’image ci-dessous). On peut observer ces plis réguliers en comprimant la peau du dessus de la main entre le pouce et l’index ou bien en laissant sécher un fruit.
Si, à ce stade, vous continuez à comprimer la feuille, un phénomène totalement nouveau et inattendu est observé. En effet, les plis formés se séparent en deux familles : l’une voit son amplitude augmenter alors que l’autre la voit diminuer (voir l’image ci-dessous). Un pli sur deux concentre toute l’énergie de déformation pour créer une structure avec une période double de la période initiale. Si vous augmentez à nouveau la compression, le même processus recommence pour conduire à un quadruplement de la période initiale, etc. D’une manière particulièrement originale, les chercheurs ont démontré qu’un même mécanisme régissait l’apparition de ces doublements de période dans les structures plissées et dans les va-et-vient de systèmes oscillants comme un pendule de longueur variable (citons par exemple, l’encensoir géant de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, le Botafumeiro) ou une balançoire. Il existe donc une similitude entre les équations qui décrivent les oscillations dans l’espace – cas des structures plissées – et celles dans le temps (cas des pendules de longueur variable).
Cet exemple s’inscrit dans un contexte plus large : il s’agit pour les chercheurs d’expliquer la morphogenèse induite par une instabilité mécanique. Ce phénomène se produit fréquemment dans la nature, par exemple lors d’un plissement de couches géologiques donnant naissance aux montagnes ou bien lorsqu’un tissu vivant est formé de deux couches qui se développent à des taux de croissance différents (cerveau, peau, intestins). L’approche ici utilisée par les scientifiques permet de révéler des liens sous-jacents entre des phénomènes sans lien apparent. Le nouveau modèle théorique que les chercheurs ont mis au point permettra de mieux comprendre et donc de prédire l’apparition de ces structures plissées. Ces travaux pourraient également avoir des répercussions dans des domaines technologiques. En effet, ils laissent espérer la mise au point de nouvelles méthodes de micro-fabrication pour modeler la matière en créant des structures micrométriques régulières.
Références :
Multiple-length-scale elastic instability mimics parametric resonance of nonlinear oscillators. Fabian Brau, Hugues Vandeparre, Abbas Sabbah, Christophe Poulard, Arezki Boudaoud et Pascal Damman. Nature Physics. 31 octobre 2010.
Source: communiqué de presse du CNRS
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