Afin de tester la gravité sur un objet obéissant aux lois de la mécanique quantique, des chercheurs ont mis au point une expérience inédite… et jeté leur « cobaye » du haut d’une tour.
C’est une expérience étonnante à plus d’un titre à laquelle se sont livrés des physiciens en Allemagne. Grâce à une tour de 146 mètres de haut, construite à l’université de Brême, ils ont lâché à moult reprises une catapulte contenant un nuage d’atomes refroidis et piégés dans un champ magnétique. Ces atomes, formant un objet physique bien particulier appelé condensat de Bose-Einstein, ont ainsi expérimenté quelques secondes de microgravité. L’objectif de cette manipulation inédite? Se donner les moyens d’étudier la gravité dans le monde de la mécanique quantique. Rien que ça.
L’ascenseur d’Einstein
Imaginez une personne dans un ascenseur tombant en chute libre. L’accélération annule l’attraction et la personne située dans l’ascenseur ne sait pas si la microgravité qu’elle ressent est liée à une chute libre (dans un champ gravitationnel) où à l’absence de gravité, comme si l’ascenseur était dans l’espace. Ce principe d’équivalence, défini par Einstein et validé par l’expérimentation, est-il valable dans le monde quantique?
Pour le savoir, il faut soumettre un objet quantique à cette expérience d’ascenseur. En physique quantique, le cobaye type est le condensant de Bose-Einstein : des atomes refroidis quasiment au zéro absolu (-273°C environ) et piégés par un champ magnétique. Ces atomes sont alors dans le même état quantique et se comportent comme une seule particule. Evidemment un tel objet est difficile à fabriquer. Encore plus à jeter du haut d’une tour..
180 chutes libres
L’équipe d’Ernst Rasel (Université d’Hanovre) y est pourtant parvenu. Ces physiciens ont mis au point une capsule capable de fabriquer un condensat. La capsule, mesurant environ deux mètres, est placée en haut de la tour (photo ci-contre) de l’Université de Brême (ZARM), d’où elle tombe de 110 mètres, expérimentant 4,74 secondes de chute libre dans le vide. A l’arrivée elle atterrit dans un tube remplie de petites boules de polystyrène qui ralentissent sa vitesse sans faire dévier sa trajectoire.
Les chercheurs ont procédé à 180 chutes. C’est un travail de longue haleine, sachant qu’on ne peut réaliser que trois chutes par jour maximum à cause du temps nécessaire pour faire le vide dans le tube avant chaque expérience. Leurs premiers résultats, publiés dans la revue Science (18 juin), montrent que l’expérience est possible. Il faut encore sophistiquer les opérations pour pouvoir tester le principe d’équivalence dans ces conditions. Rasel et ses collègues y travaillent déjà. Et imaginent qu’un jour des expériences similaires avec des condensats de Bose-Einstein pourront être menées en orbite autour de la Terre, pour obtenir encore plus de précision.
Source: Cécile Dumas – Sciences et Avenir.fr
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