Cette nouvelle image infrarouge de la nébuleuse de la Lagune a été prise dans le cadre du programme d’étude de la Voie Lactée s’étalant sur cinq ans réalisé avec le télescope VISTA de l’ESO à l’Observatoire de Paranal au Chili. Il s’agit là d’une petite partie d’une image bien plus grande de la région entourant la nébuleuse, image qui constitue elle aussi une simple partie d’un très grand sondage.
Les astronomes utilisent actuellement le télescope VISTA (Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy) de l’ESO pour passer au peigne fin les régions centrales de la Voie Lactée afin de trouver des objets variables et de cartographier sa structure de manière extrêmement détaillée, comme jamais cela n’a encore été fait. Ce gigantesque sondage s’appelle « VISTA Variables in the Via Lactea » (VVV) [1]. La nouvelle image infrarouge présentée ici a été prise dans le cadre de ce sondage. Elle montre la nurserie d’étoiles appelée la Nébuleuse de la Lagune (aussi connue en tant que Messier 8, voir le communiqué eso0936), située à environ 4 000 à 5 000 années-lumière de la Terre dans la constellation du Sagittaire.
Les observations dans l’infrarouge permettent aux astronomes de plonger leur regard au travers des voiles de poussière qui les empêchent de voir les objets célestes en lumière visible. C’est parce que la lumière visible, dont la longueur d’onde est à peu près de la même taille que celle des particules de poussière, est fortement dispersée, alors que la plus grande longueur d’onde de la lumière infrarouge peut passer à travers la poussière en restant pratiquement intacte. VISTA, avec son miroir de 4,1 mètres de diamètre – le plus grand télescope au monde pour les grands sondages – est dédié à l’observation de grandes zones du ciel en profondeur et rapidement, dans les longueurs d’onde du proche infrarouge. Il se prête par conséquent idéalement à l’étude de la naissance des étoiles.
Les étoiles se forment généralement dans de grands nuages moléculaires de gaz et de poussière qui s’effondrent sous leur propre poids. Toutefois, la nébuleuse de la Lagune héberge également un certain nombre de régions bien plus compactes de gaz et de poussière en train de s’effondrer appelées globules de Bok [2]. Ces nuages sombres sont si denses qu’ils peuvent bloquer la lumière des étoiles situées en arrière-plan, même dans l’infrarouge. Mais la structure la plus connue de la nébuleuse, d’où elle tient d’ailleurs son nom, est la bande de poussière en forme de lagon qui dessine sa trace sinueuse au travers du nuage de gaz rougeoyant.
Les jeunes étoiles chaudes, qui émettent un intense rayonnement dans l’ultraviolet, sont à l’origine de la forte luminosité de la nébuleuse. Mais la nébuleuse de la Lagune héberge également de bien plus jeunes étoiles venant à peine de naître. Ces étoiles récemment nées, détectées dans la nébuleuse, sont tellement jeunes qu’elles sont encore entourées par leur disque d’accrétion natal. De telles jeunes étoiles éjectent occasionnellement des jets de matière depuis leurs pôles. Quand cette matière éjectée se fraye un passage dans le gaz environnant, il se forme de brèves traînées lumineuses appelées objets de Herbig-Haro [3], rendant ces étoiles « nourrissons » faciles à repérer. Au cours des cinq dernières années, plusieurs objets de Herbig-Haro ont été détectés dans la nébuleuse de la Lagune, le baby-boom est donc clairement toujours en cours ici.
Notes
[1] Ce sondage, l’un des six sondages de VISTA actuellement en cours, va photographier les parties centrales de la Voie Lactée de nombreuses fois sur une période de cinq ans et détectera un très grand nombre de nouveaux objets variables.
[2] Bart Bok était un astronome américano-allemand qui a passé la plus grande partie de sa longue carrière entre les États-Unis et l’Australie. Il a été le premier à repérer les taches sombres qui portent maintenant son nom dans les régions de formation stellaire et a émis l’hypothèse qu’elles devaient être associées aux toutes premières étapes de la formation stellaire. Ces « bébés » étoiles cachés ont pu être observés de manière directe seulement quand l’imagerie infrarouge a été possible, plusieurs décennies plus tard.
[3] Bien qu’ils ne furent pas les premiers à voir de tels objets, les astronomes George Herbig et Guillermo Haro ont été les premiers à étudier en détail le spectre de ces objets étranges et à réaliser qu’il ne s’agissait pas simplement de paquets de gaz et de poussière qui réfléchissaient la lumière, ou qui brillaient sous l’influence du rayonnement ultraviolet des jeunes étoiles, mais que c’était une nouvelle classe d’objets associés à la formation stellaire.
Plus d’informations
L’équipe scientifique pour le VVV comprend Dante Minniti (Universidad Catolica, Chili, Phil Lucas (University of Hertfordshire, Royaume Uni), Ignacio Toledo (Universidad Catolica) et Maren Hempel (Universidad Catolica).
L’ESO – l’Observatoire Européen Austral – est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 14 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et VISTA, le plus grand télescope pour les grands relevés. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope européen géant – l’E-ELT- qui disposera d’un miroir primaire de 42 mètres de diamètre et observera dans le visible et le proche infrarouge. L’E-ELT sera « l’œil tourné vers le ciel » le plus grand au monde.
Liens
- Page principale du sondage VVV
- Les télescopes pour les grands sondages
Source : ESO
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