Une étoile isolée extraordinairement brillante a été découverte dans une galaxie voisine de la nôtre – l’étoile est trois millions de fois plus brillante que le Soleil. Toutes les précédentes super étoiles similaires ont été trouvées dans des amas, mais ce phare lumineux brille d’une splendeur solitaire. L’origine de cette étoile est mystérieuse : s’est-elle formée de manière isolée ou a-t-elle été éjectée d’un amas ? Ces deux hypothèses défient les connaissances des astronomes sur la formation des étoiles.
Une équipe internationale d’astronomes [1] a utilisé le très grand télescope (VLT – Very Large Telescope) de l’ESO pour étudier de manière précise l’étoile VFTS 682 [2] dans le Grand Nuage de Magellan, une petite galaxie voisine de la Voie Lactée. En analysant la lumière de cette étoile avec l’instrument FLAMES sur le VLT, ils ont trouvé que sa masse est égale à 150 fois celle du Soleil. Des étoiles de ce type ont jusqu’à présent été trouvées dans le centre surpeuplé des amas d’étoiles, mais VFTS 682 est isolée.
« Nous avons été très surpris de trouver une étoile aussi massive ainsi isolée au lieu de la trouver dans un, riche amas d’étoiles, »remarque Joachim Bestenlehner, premier auteur de cette nouvelle étude et étudiant à l’Armagh Observatory en Irlande du Nord.« Son origine est mystérieuse. »
Cette étoile avait été repérée dans un précédent relevé des étoiles les plus brillantes situées dans et autour de la Nébuleuse de la Tarentule dans le Grand Nuage de Magellan. Elle se trouve dans une nurserie d’étoiles : une gigantesque région de gaz, de poussière et de jeunes étoiles qui est la région de formation stellaire la plus active du Groupe Local de galaxies [3]. Au premier regard VFTS 682 a été prise pour une quelconque étoile jeune, chaude et brillante. Mais, la nouvelle étude effectuée avec le VLT a permis de trouver que la majeure partie de l’énergie de l’étoile était absorbée et dispersée par des nuages de poussière avant d’arriver jusqu’à la Terre. Elle est en fait plus lumineuse que les astronomes le pensaient précédemment et elle est même parmi les étoiles les plus brillantes connues.
La lumière rouge et infrarouge émise par l’étoile peut traverser la poussière, mais les plus courtes longueurs d’onde, bleues et vertes, sont plus dispersées et donc se perdent. Au final, l’étoile apparaît rougeâtre bien qu’elle rayonnerait d’un brillant « bleu blanc » si la vision n’était pas entravée par la poussière.
De même que VFTS 682 est très brillante, elle est aussi très chaude, avec une température de surface d’environ 50 000 degrés Celsius [4]. Les étoiles dotées de propriétés si peu communes doivent terminer leur courte vie, non pas en simples supernovae, ce qui est normal pour des étoiles très massives, mais probablement en sursaut gamma [5] de longue durée encore plus spectaculaire, correspondant aux explosions les plus brillantes dans l’Univers.
Bien que VFTS 682 semble maintenant isolée, elle ne se trouve pas si loin du très riche amas d’étoiles RMC 136 (souvent appelé simplement R 136), qui contient plusieurs « super étoiles » similaires (eso1030) [6].
«Les nouveaux résultats montrent que VTFS 682 est pratiquement la véritable sœur jumelle d’une des super étoiles les plus lumineuses située au cœur de l’amas d’étoiles R 136 » ajoute Paco Najarro, un autre membre de l’équipe venant du CAB (INTA-CSIC, Spain).
Est-il possible que VFTS 682 se soit formée dans cet amas puis ait été éjectée ? De telles « étoiles fugueuses » sont connues, mais elles sont toutes plus petites que VFTS 682. Il serait intéressant de voir comment une étoile aussi lourde pourrait avoir été éjectée de l’amas par des interactions gravitationnelles.
« Les étoiles les plus grosses et les plus brillantes semblent se former plus facilement dans de riches amas d’étoiles, » précise Jorick Vink, également membre de l’équipe. « Et, bien que ce soit possible, il est plus difficile de comprendre comment ces phares brillants pourraient se former « dans leur coin. » Ceci fait de VFTS 682 un objet véritablement fascinant. »
Notes
[1] L’analyse de VFTS 682 a été pilotée par Jorick Vink, Götz Gräfener et Joachim Bestenlehner de l’Armagh Observatory.
[2] Le nom de VFTS est la contraction de VLT-FLAMES Tarantula Survey, un vaste programme de l’ESO piloté par Christopher Evans du UK Astronomy Technology Centre, à Édimbourg, au Royaume-Uni.
[3] Le Groupe Local est un petit groupe de galaxies qui inclue la Voie Lactée et la galaxie d’Andromède, ainsi que les nuages de Magellan et de nombreuses galaxies plus petites.
[4] En comparaison, la température de la surface du Soleil est d’environ 5500 degrés Celsius.
[5] Les sursauts gamma sont parmi les événements les plus énergétiques de l’Univers et le rayonnement de haute énergie qu’ils produisent peut être détecté par un satellite en orbite. Les sursauts gamma qui durent plus longtemps que deux secondes sont considérés comme de longs sursauts et ceux de plus courte durée sont considérés comme des sursauts courts. Les longs sursauts sont associés à l’explosion en supernova de jeunes étoiles massives dans les galaxies à formation d’étoiles. Les sursauts courts ne sont pas bien compris, mais ils sont supposés provenir de la fusion de deux objets compacts comme des étoiles à neutrons.
[6] Si VFTS 682 est à la même distance de la Terre que R 136, elle se trouve alors à 90 années-lumière du centre de l’amas. Si la distance est significativement différente, son éloignement du centre de l’amas pourrait être beaucoup plus grand.
Plus d’informations
Cette recherche a été présentée dans l’article, «The VLT-FLAMES Tarantula Survey III: A very massive star in apparent isolation from the massive cluster R136», à paraître dans Astronomy & Astrophysics.
L’équipe est composée de Joachim M. Bestenlehner (Armagh Observatory, Royaume Uni), Jorick S.Vink (Armagh), G. Gräfener (Armagh), F. Najarro (Centre of Astrobiology, Madrid, Espagne), C. J. Evans (UK Astronomy Technology Centre, Edinburgh, Royaume Uni), N. Bastian (Excellence Cluster Universe, Garching, Germany; University of Exeter, Royaume Uni), A. Z. Bonanos (National Observatory of Athens, Grèce), E. Bressert (Exeter; ESO; Harvard Smithsonian Center for Astrophysics, Cambridge, USA), P. A. Crowther (University of Sheffield, Royaume Uni), E. Doran (Sheffield), K. Friedrich (Argelander Institute, University of Bonn, Allemagne), V.Hénault-Brunet (University of Edinburgh, Royaume Uni), A. Herrero (University of La Laguna, Tenerife, Espagne; ESO), A. de Koter (University of Amsterdam; Utrecht University, Pays-Bas), N. Langer (Argelander Institute), D. J. Lennon (ESA; Space Telescope Science Institute, Baltimore, USA), J. Maíz Apellániz (Institute of Astrophysics of Andalucia, Granada, Espagne), H. Sana (University of Amsterdam), I. Soszynski (Warsaw University, Pologne), et W. D. Taylor (University of Edinburgh).
L’ESO – l’Observatoire Européen Austral – est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 14 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et VISTA, le plus grand télescope pour les grands relevés. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope européen géant – l’E-ELT- qui disposera d’un miroir primaire de 42 mètres de diamètre et observera dans le visible et le proche infrarouge. L’E-ELT sera « l’œil tourné vers le ciel » le plus grand au monde.
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Source : ESO
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