Le très grand télescope de l’ESO (VLT) a fait équipe avec la sonde Cassini de la NASA pour étudier de manière bien plus détaillée que jamais une rare tempête située dans l’atmosphère de la planète Saturne. Cette nouvelle étude, réalisée par une équipe internationale, sera publiée cette semaine dans le journal Science.
L’atmosphère de Saturne apparait habituellement tranquille et calme. Toutefois, une fois par « année saturnienne » (trente années terrestres), alors que le printemps arrive sur l’hémisphère nord de la planète géante, quelque chose s’agite profondément en dessous des nuages et conduit à une spectaculaire et importante perturbation de la planète (eso9014).
La dernière tempête de ce type a tout d’abord été détectée en décembre 2010 par les instruments radio et plasma de la sonde Cassini de la NASA [1], en orbite autour de la planète, et a également été suivie par des astronomes amateurs. Elle a maintenant été étudiée en détail avec la caméra infrarouge VISIR [2] du VLT (Very Large Telescope) de l’ESO conjointement avec des observations de l’instrument CIRS [3] de la sonde Cassini.
C’est seulement la sixième de ces gigantesques tempêtes à avoir été repérée depuis 1876. C’est la toute première à avoir été étudiée dans l’infrarouge thermique – pour observer les variations de température dans cette tempête saturnienne- et la première à avoir été observée par une sonde en orbite.
« Cette perturbation située dans l’hémisphère nord de Saturne a engendré une gigantesque, violente et complexe éruption de nuages brillants, qui s’est propagée pour encercler la planète dans son ensemble, » explique Leigh Fletcher (Université d’Oxford, Royaume-Uni), premier auteur de cette nouvelle étude. « Avec le VLT et Cassini en train d’étudier cette tempête en même temps nous avons eu la chance exceptionnelle de pouvoir resituer les observations de Cassini dans leur contexte. Les précédentes études de ces tempêtes ont juste pu utiliser la réflexion de la lumière solaire, mais cette fois, en observant le rayonnement infrarouge thermique pour la première fois, nous avons pu dévoiler des régions cachées de l’atmosphère et mesurer les changements réellement substantiels de températures ainsi que des vents liés à cet événement. »
La tempête a dû se former en profondeur dans des nuages d’eau où un phénomène semblable à un orage a conduit à la création d’un panache de vapeur : exactement comme l’air chaud monte dans une pièce chauffée, cette masse de gaz s’est développée vers le haut et a transpercé la haute atmosphère de Saturne habituellement sereine. Ces énormes perturbations interagissent avec les vents qui se déplacent d’est en ouest et provoquent d’importants changements de température très haut dans l’atmosphère.
« Nos nouvelles observations montrent que la tempête a un effet important sur l’atmosphère, en transportant de l’énergie et de la matière sur de grandes distances. Elle modifie les vents atmosphériques – créant des courants sinueux et formant des tourbillons géants – et perturbe la lente évolution des saisons de Saturne, » ajoute Glenn Orton (Jet Propulsion Laboratory, Pasadena, USA), un autre membre de l’équipe.
Quelques unes de ces structures inattendues que l’on voit sur cette nouvelle image de VISIR ont été appelées balises stratosphériques. Ce sont de forts changements de température, hauts dans l’atmosphère de Saturne (250-300 km au dessus des nuages de la basse atmosphère) qui montrent à quel point les effets de la tempête s’étendent haut dans l’atmosphère. La température dans la stratosphère de Saturne se situe normalement autour de -130 degrés Celsius à cette saison, mais les mesures au niveau des balises sont de 15 à 20 degrés Celsius supérieures.
Les balises sont totalement invisibles dans la lumière réfléchie du Soleil, mais elles peuvent éclipser l’émission du reste de la planète dans l’infrarouge thermique détectée par VISIR. Elles n’ont jamais été détectées avant et de ce fait, les astronomes ne sont pas sûrs qu’il s’agisse de structures habituelles dans les tempêtes de ce type.
« Nous avons eu la chance d’avoir du temps d’observation programmé au début de l’année 2011, que l’ESO nous a permis d’avancer, de telle sorte que nous avons pu observer la tempête aussi tôt que possible. Nous avons également eu la chance que l’instrument CIRS de Cassini ait pu observer la tempête au même moment. Nous avons ainsi des images du VLT et de la spectroscopie de Cassini pour comparer, » conclut Leigh Fletcher. « Nous allons continuer à observer cet événement qui se produit une fois par génération. »
Notes
[1] La mission Cassini-Huygens est un projet coopératif de la NASA, de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et de l’Agence Spatiale Italienne. Le Jet Propulsion Laboratory de la NASA situé à Pasadena en Californie, une division du California Institute of Technology, pilote la mission pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA à Washington DC.
[2] VISIR est le spectromètre et l’imageur du VLT pour l’infrarouge moyen. VISIR a été construit par le CEA/DAPNIA/SAP et NFRA/ASTRON.
[3] CIRS, pour Composite Infrared Spectrometer, est un des instruments de Cassini. CIRS analyse le rayonnement de la chaleur et est capable de discerner la composition d’un objet.
Plus d’informations
Cette recherche a été présentée dans un article publié dans la revue Science du 19 mai 2011.
L’équipe est composée de Leigh N. Fletcher (University of Oxford, Royaume Uni), Brigette E. Hesman (University of Maryland, USA), Patrick G.J. Irwin (University of Oxford), Kevin H. Baines (University of Wisconsin-Madison, USA), Thomas W. Momary (Jet Propulsion Laboratory (JPL), Pasadena, USA), A. Sanchez-Lavega (Universidad del País Vasco, Bilbao, Espagne), F. Michael Flasar (NASA Goddard Space Flight Center (GSFC), Maryland, USA), P.L. Read (University of Oxford, Royaume Uni), Glenn S. Orton (JPL), Amy Simon-Miller (GSFC), Ricardo Hueso (Universidad del País Vasco), Gordon L. Bjoraker (GSFC), A. Mamoutkine (GSFC), Teresa del Rio-Gaztelurrutia (Universidad del País Vasco), Jose M. Gomez (Fundacion Esteve Duran, Barcelona, Espagne), Bonnie Buratti (JPL), Roger N. Clark (US Geological Survey, Denver, USA), Philip D. Nicholson (Cornell University, Ithaca, USA), Christophe Sotin (JPL).
L’ESO – l’Observatoire Européen Austral – est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 14 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et VISTA, le plus grand télescope pour les grands relevés. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope européen géant – l’E-ELT- qui disposera d’un miroir primaire de 42 mètres de diamètre et observera dans le visible et le proche infrarouge. L’E-ELT sera « l’œil tourné vers le ciel » le plus grand au monde.
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Source : ESO
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