Des observations réalisées avec le très grand télescope (VLT) de l’ESO ont permis de faire la lumière sur la source d’énergie d’un vaste nuage de gaz brillant très rare, datant des premiers instants de l’Univers. Les observations montrent pour la première fois que ce «nuage Lyman-alpha» géant – un des plus grands objets isolés connus – doit être alimenté en énergie par des galaxies enfouies en son sein. Ces résultats seront présentés dans la revue Nature du 18 août.
Une équipe d’astronomes a utilisé le très grand télescope (VLT) de l’ESO pour étudier un objet peu commun appelé nuage Lyman-alpha [1]. Ces structures énormes et très lumineuses sont rares. Elles sont habituellement observées dans les régions de l’Univers jeune où la matière est concentrée. Cette équipe a découvert que la lumière provenant de l’une de ces structures est polarisée [2]. Dans la vie quotidienne, par exemple, la lumière polarisée est utilisée pour créer des effets 3D au cinéma [3]. C’est la première fois qu’une polarisation a été trouvée dans un nuage Lyman-alpha et cette observation permet de dévoiler le mystère sur ce qui fait briller ces nuages.
« Nous avons montré pour la première fois que le rayonnement de cet objet énigmatique provient de la lumière diffusée par les galaxies lumineuses qui y sont cachées plutôt que de la luminosité propre du gaz répandu dans tout le nuage, » explique Matthew Hayes (Université de Toulouse, France), premier auteur de l’article scientifique.
Les nuages Lyman-alpha sont parmi les plus gros objets de l’Univers : de gigantesques nuages d’hydrogène qui peuvent atteindre quelques centaines de milliers d’années-lumière de diamètre (plusieurs fois la taille de la Voie Lactée) et sont aussi brillants que les galaxies les plus lumineuses. Ils sont habituellement observés à de très grandes distances astronomiques, ce qui signifie que nous les voyons tels qu’ils étaient quand l’Univers n’avait que quelques milliards d’années d’existence. Ils sont de ce fait importants pour notre compréhension de la formation et de l’évolution des galaxies quand l’Univers était plus jeune. Toutefois, la source énergétique de leur très grande luminosité et la nature précise de ces nuages n’étaient pas très claires.
L’équipe a étudié une des premières et des plus grosses de ces structures à avoir été observées. Connue sous le nom de LAB-1, elle a été découverte en 2000 et elle est si éloignée qu’il a fallu 11,5 milliards d’années à sa lumière pour nous atteindre. Avec un diamètre d’environ 300 000 années-lumière, c’est aussi l’une des plus grandes connues et elle héberge plusieurs galaxies primordiales dont une galaxie active [4].
Il existe plusieurs théories concurrentes pour expliquer les nuages Lyman-alpha. Une idée est qu’ils brillent quand le gaz se contracte du fait de la très forte attraction gravitationnelle du nuage et qu’il se réchauffe. Une autre idée est qu’ils brillent, car ils hébergent des objets lumineux : des galaxies en pleine formation intense d’étoiles ou contenant des trous noirs voraces engloutissant de la matière. Les récentes observations montrent que ce sont des galaxies enfouies et pas l’attraction du gaz qui alimentent LAB-1.
L’équipe a testé les deux théories en mesurant si la lumière du nuage était polarisée ou non. En étudiant la manière dont la lumière est polarisée, les astronomes peuvent découvrir des informations sur les processus physiques qui produisent cette lumière ou ce qui lui est arrivé entre sa source et son arrivée sur Terre. Si elle a été réfléchie ou diffusée, elle devient polarisée et ce subtil effet peut être détecté avec un instrument très sensible. Du fait de leur très grande distance, mesurer la polarisation de la lumière d’un nuage Lyman-alpha est toutefois un véritable défi.
« Ces observations n’auraient pas pu être réalisées sans le VLT et son instrument FORS. Nous avions clairement besoin de deux choses : un télescope avec un miroir d’au moins huit mètres pour collecter suffisamment de lumière et une caméra capable de mesurer la polarisation de la lumière. Il n’y a pas beaucoup d’observatoires au monde offrant cette combinaison, » ajoute Claudia Scarlata, coauteur de l’article scientifique.
En observant leur cible pendant environ 15 heures avec le VLT, l’équipe a trouvé que la lumière du nuage Lyman-alpha LAB-1 était polarisée dans un anneau autour de la région centrale et qu’il n’y avait pas de polarisation au centre. Cet effet est pratiquement impossible à produire si la lumière vient seulement du gaz tombant vers l’intérieur du nuage sous l’effet de la gravité, mais c’est exactement ce qui est attendu si la lumière provient des galaxies enfouies dans la région centrale avant d’être diffusée par le gaz.
Les astronomes projettent maintenant d’observer davantage de ces objets afin de voir si le résultat obtenu pour LAB-1 est valable pour les autres nuages.
Notes
[1] Le nom vient du fait que ces nuages émettent de la lumière à une longueur d’onde caractéristique connue en tant que rayonnement « Lyman-alpha » qui est produit quand les électrons de l’atome d’hydrogène descendent du second niveau d’énergie au niveau le plus bas.
[2] Quand les ondes lumineuses sont polarisées, leurs composantes de champ électrique et de champ magnétique ont une orientation spécifique. Dans la lumière non polarisée, l’orientation du champ est aléatoire et n’a pas de direction préférée.
[3] L’effet 3D est créé en s’assurant que l’oeil gauche et l’oeil droit regardent des images légèrement différentes. L’astuce utilisée dans certains cinémas 3D fait appel à de la lumière polarisée : des images séparées, réalisées avec de la lumière polarisée différemment, sont envoyées à notre œil droit et à notre œil gauche par des filtres polarisés sur les lunettes.
[4] Les galaxies actives sont des galaxies dont le cœur brillant est supposé être alimenté par un trou noir massif. Leur luminosité vient de la matière chauffée alors qu’elle est attirée par le trou noir.
Plus d’informations
Cette recherche a été présentée dans un article a paraître dans la revue Nature du 18 août 2011 : “Central Powering of the Largest Lyman-alpha Nebula is Revealed by Polarized Radiation” by Hayes et al.
L’équipe est composée de Matthew Hayes (Université de Toulouse, France et Observatoire de Genève, Suisse), Claudia Scarlata (University of Minnesota et Spitzer Science Center, California Institute of Technology, Pasadena, USA) et Brian Siana (University of California, Riverside, USA).
Source : ESO
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