Il y a 20 ans, la Terre devenait un pixel. Un seul pixel bleu pâle au milieu d’un écran noir traversé d’un rayon de soleil. Jamais une photo n’avait ramené l’humanité à si peu de choses.
En comparaison, la célèbre photo du lever de Terre au-dessus de la Lune, prise par les astronautes d’Apollo en 1968, montre une planète géante. Parce que la photo prise par la sonde Voyager 1 le 13 février 1990, ne montre qu’un seul point, où ne subsiste aucun élément distinctif —ni nuages, ni océans, ni continents. Juste un « pâle point bleu ». A Pale Blue Dot, baignant dans un rayon du Soleil, tel que vu à 6 milliards de kilomètres. Tout ce qu’il subsiste de nous tient sur ce pixel :
Regardez encore ce point. C’est là. C’est la maison. C’est nous. Là, tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez jamais entendu parler, tout être humain qui ait jamais vécu… Un grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil… Il n’y a peut-être pas de meilleure illustration de la futilité de notre vanité humaine, que cette image distante de notre minuscule planète. (Carl Sagan, Pale Blue Dot, 1994)
Voyager 1 avait été lancé à la fin des années 1970 avec pour mission d’explorer Jupiter et Saturne. Il avait ensuite été détourné vers Uranus, puis Neptune, devenant la première —et la seule— sonde spatiale à nous renvoyer des images de ces planètes lointaines.
Mais tout au long des années 1980, Sagan et d’autres avaient également demandé que l’on profite du temps mort pour tourner la caméra dans l’autre sens, afin de nous donner une vue de la Terre, à cette distance jamais atteinte par l’Homme. La NASA s’y était longtemps objectée, craignant que de tourner la caméra vers le Soleil —à cette distance, la Terre et le Soleil paraissent très près l’un de l’autre— n’endommage irrémédiablement les lentilles.Il avait donc fallu que la mission ne soit sur le point de se terminer, et l’équipe Voyager sur le point d’être dissoute, pour que l’idée passe la rampe.
Rien que le décodage des données constituant un cliché aussi délicat, a nécessité des semaines de travail, rappelle l’historien britannique Robert Poole, auteur du livre Earthrise, sur les images de la Terre vues de l’espace. Et l’impact sur l’imagination populaire fut limité : un pixel ne transporte pas l’émotion des photos d’une planète bleue et blanche. Pour vraiment en saisir l’impact, écrit Fuller, il faut l’agrandir et lui faire couvrir tout un mur —là, ce petit point blanc dans un rayon de soleil, au milieu d’une infinie noirceur, prend tout son sens.
Quant à Voyager 1, il continue sur son élan. Il est à présent trois fois plus loin de nous qu’en 1990. Il continue d’envoyer un signal automatique, pour dire « je suis là ». S’il pouvait encore prendre des photos, la Terre serait de plus en plus difficile à repérer, jusqu’à ce qu’elle devienne complètement invisible à l’oeil nu, noyée dans l’océan cosmique.
Source : Agence Science-Presse
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