La fréquence des orages augmente quand l’humidité du sol change sur quelques kilomètres, au Sahel. Ces contrastes génèrent des circulations d’air entre zones sèches et zones humides, favorisant ces développements orageux. Ils ont, pour la première fois, été étudiés à petite échelle lors d’une collaboration entre des chercheurs français du groupe d’étude de l’atmosphère météorologique (CNRS/Météo France) et anglais du CEH(1), dans le cadre du projet AMMA(2). Leurs résultats, publiés dans le numéro de juillet 2011 de Nature Geoscience, fournissent de nouvelles données face aux enjeux de la sécheresse au Sahel.
Le Sahel est une région tropicale semi-aride dont les précipitations annuelles dépendent de quelques dizaines d’épisodes orageux qui se forment pendant la saison de mousson. Ainsi, le nombre d’orages est critique dans cette zone du globe dans la mesure où un déficit peut mener à une année de sécheresse. Les pluies intenses de ces orages entraînent de forts contrastes d’humidité et de température avec les zones avoisinantes. Ces contrastes interviennent dans la stabilité des basses couches de l’atmosphère. Les chercheurs français du groupe d’étude de l’atmosphère météorologique (CNRS/Météo France) et anglais du CEH se sont particulièrement intéressés aux relations potentielles entre la formation des orages et la variabilité des propriétés du sol engendrée par les pluies des jours précédents. Ils ont développé une approche statistique pour analyser individuellement, en journée, plusieurs milliers de cas de développement d’orages identifiés par des observations satellites à haute résolution spatiale et temporelle au cours de cinq saisons de mousson.
Tout d’abord, à l’échelle de la centaine de kilomètres, les orages se développent plus fréquemment au-dessus des surfaces les plus sèches et les plus chaudes. Des séries d’observations satellitaires de températures de surface d’une fine résolution spatiale (3 kilomètres) ont été utilisées pour estimer les variations de l’humidité du sol, à une échelle de quelques dizaines de kilomètres. Les résultats obtenus montrent que le nombre d’orages augmente significativement sur des surfaces présentant de forts contrastes d’humidité du sol, plus précisément au niveau de zones de transition allant d’une zone sèche vers une zone humide dans le sens du vent. Cela suggère que des circulations atmosphériques se mettent en place dans le sens opposé au vent, depuis les zones les plus humides vers les zones les plus sèches, pouvant ainsi faciliter la formation d’orages. Les analyses météorologiques ont mis en évidence que ce type de configuration est particulièrement marqué lorsque l’environnement atmosphérique est peu propice aux orages. Ces contrastes jouent donc un rôle non négligeable dans la formation des orages au Sahel.
C’est la première fois qu’une étude met en évidence, à partir d’observations, une rétroaction positive à cette échelle, c’est-à-dire un déclenchement préférentiel des orages sur des zones de forts contrastes d’humidité du sol engendrés par des précipitations intenses localisées. Ces résultats permettent une avancée dans la compréhension du rôle des interactions surface/atmosphère dans les mécanismes de formation des orages. Ils fournissent de nouveaux éléments face aux enjeux de sécheresse au Sahel. La sensibilité climatique de ces interactions reste à explorer car les études actuelles ne la prennent pas encore en compte.
Notes :
(1)Centre for Ecology and Hydrology
(2)Consulter le site web
Références :
Frequency of Sahelian storm initiation enhanced over mesoscale soil moisture patterns, Christopher M. Taylor, Amanda Gounou, Françoise Guichard, Phil P. Harris, Richard J. Ellis, Fleur Couvreux, Martin De Kauwe, Nature Geoscience, 01 juillet 2011. DOI: 10.1038/NGEO1173.
Etude des processus pilotant les cycles diurnes de la Mousson Ouest-Africaine, Thèse de Doctorat de l’Université Paul Sabatier-Toulouse III, Amanda Gounou, 2011.
Source : communiqué de presse du CNRS
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