Environ 96 % de l’Univers se présente sous forme de matière et d’énergie inconnues. Les 4 % restant constituent la matière ordinaire, celle dont nous sommes faits et qui compose toutes les planètes, étoiles et galaxies que nous observons. Les expériences LHC sont en mesure de découvrir des particules nouvelles qui pourraient constituer une grande partie de l’Univers.
Ces dernières années, les scientifiques ont recueilli de nombreux indices de l’existence dans l’Univers d’un nouveau type de matière. Ils lui ont donné le nom de « matière noire », car celle-ci n’émet ni n’absorbe aucun rayonnement électromagnétique. « La mesure de la vitesse de rotation des corps astronomiques dans les galaxies spirales nous apporte l’une des principales preuves de son existence », explique Gian Giudice, membre du groupe Théorie du CERN et auteur du récent ouvrage intitulé A Zeptospace Odyssey, traitant de la physique au LHC et destiné au grand public. Selon les lois du mouvement de Newton, cette vitesse varie selon la distance depuis le centre de la galaxie : plus un objet en est éloigné, moins sa vitesse de rotation serait élevée. Cependant, dans les années 70, des astronomes ont découvert que la vitesse de rotation des étoiles lointaines était plus rapide que ce que l’on prévoyait. « À une telle vitesse, la force gravitationnelle attractive exercée par la masse visible ne serait pas suffisante pour maintenir les étoiles à l’intérieur de la galaxie ; celles-ci s’échapperaient tout simplement », poursuit Gian. Par conséquent, il doit exister quelque chose qui exerce une attraction gravitationnelle capable de maintenir la galaxie en place.
« La deuxième preuve solide laissant penser que la matière noire existe est l’effet de « lentille gravitationnelle », qui s’observe lorsqu’un amas galactique courbe la lumière provenant d’objets lointains. La manière dont cette lumière est déviée montre que la masse totale contenue dans l’amas galactique doit être bien plus importante que ce que l’on peut observer », explique Gian. De plus, des études sur la manière dont les premiers atomes et les premières molécules ont formé l’Univers montrent que la matière ordinaire ne peut pas constituer plus de 4 % de celui-ci. De ce constat, les scientifiques excluent la possibilité que la matière invisible se compose d’objets massifs, tels que des planètes de la taille de Jupiter. Pour autant, la théorie et les observations n’excluent pas que la matière noire soit faite de trous noirs primordiaux, dans lesquels pourraient être retenues de grandes quantités de matière. Cette dernière possibilité semble toutefois très peu probable, et les scientifiques seraient enclins à penser que la matière noire est formée de particules d’un genre nouveau.
Comment le LHC pourrait-il éclairer les physiciens ?
« La matière noire, qui reste à découvrir, devra répondre à certains critères établis à partir des observations et de la théorie, précise Gian. Elle doit être stable, ne transporter aucune charge et être relativement lourde. »
En s’appuyant sur les études réalisées sur l’évolution de l’Univers, les scientifiques ont pu déduire la masse des constituants de la matière noire et l’ont située entre 100 GeV et 1 TeV (pour référence, la masse du proton est d’environ 1 GeV). Ce qui est intéressant, c’est qu’il s’agit exactement de la même gamme de masses dans laquelle les théories au-delà du modèle standard prévoient l’existence de nouvelles particules.
« Le LHC explorera précisément cette gamme d’énergies. Par conséquent, si des particules nouvelles existent, le LHC a de grandes chances de les découvrir, confirme Gian. Selon la théorie du modèle supersymétrique, trois particules sont possibles pour la matière noire : le neutralino, le gravitino et le sneutrino. Il importe toutefois de noter que la supersymétrie n’est pas l’unique scénario possible. »
Il y a donc pléthore de scénarios possibles, et même si les expériences LHC trouvent des preuves de l’existence de particules nouvelles, on ne pourra pas affirmer qu’il s’agit des véritables constituants de la matière noire ; d’autres expériences spécifiques devront le confirmer (voir encadré).
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Des profondeurs de la Terre aux confins de l’espace
D’autres expériences traquent les insaisissables particules de la matière noire. Certaines d’entre elles, comme CDMS du laboratoire Soudan, dans le Minnesota, ou XENON et DAMA, du laboratoire Gran Sasso, en Italie, sont installées sous terre. D’autres, notamment Pamela et Fermi (également à Gran Sasso), sont en orbite autour de notre planète.
Source: Francesco Poppi – CERN
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