En étudiant un système planétaire triple qui ressemble à une version agrandie de la famille de planètes de notre propre Soleil, des astronomes ont été capables d’obtenir le premier spectre de manière directe – « l’empreinte digitale chimique » [1] – d’une planète en orbite autour d’une étoile lointaine [2], apportant ainsi de nouvelles informations sur la formation et la composition de cette planète. Ce résultat constitue une étape clé dans la recherche de la vie ailleurs dans l’Univers.
« Le spectre d’une planète est comme une empreinte digitale. Il fournit des informations essentielles sur les éléments chimiques de l’atmosphère d’une planète, » déclare Markus Janson, premier auteur de l’article présentant ces nouveaux résultats. « Avec cette information, nous pouvons mieux comprendre comment une planète s’est formée et, dans le futur, nous devrions pouvoir trouver des signes révélateurs de la présence de vie. »
Cette équipe de chercheurs a obtenu le spectre d’une planète géante en orbite autour de la très jeune et lumineuse étoile HR 8799. Le système se trouve à environ 130 années-lumière de la Terre. Cette étoile a une masse égale à 1,5 masse solaire et héberge un système planétaire qui ressemble à un modèle agrandi de notre propre système solaire. Trois compagnons planétaires géants, de masses comprises entre 7 et 10 fois la masse de Jupiter, ont été détectés en 2008 par une autre équipe de chercheurs. La distance qui sépare ces planètes de leur étoile est comprise entre 20 et 70 fois la distance Terre–Soleil et le système présente également deux ceintures de petits objets, similaires à la ceinture d’astéroïdes et à la ceinture de Kuiper de notre système solaire.
« Parmi les trois planètes, notre cible était celle du milieu, qui est environ dix fois plus massive que Jupiter et a une température d’environ 800 degrés Celsius, » déclare Carolina Bergfors, une des membres de l’équipe. « Après plus de cinq heures de temps de pause, nous avons été capables de dégager le spectre de l’étoile de la lumière bien plus brillante de son étoile. »
C’est la première fois que le spectre d’une exoplanète en orbite autour d’une étoile normale, pratiquement semblable au Soleil, a été obtenu de manière directe. Précédemment, les seuls spectres obtenus ont nécessité de pointer un télescope spatial sur une exoplanète en train de passer directement derrière son étoile hôte – une « éclipse exoplanétaire » – et alors le spectre pouvait être extrait en comparant la lumière de l’étoile avant et après. Toutefois, cette méthode ne peut être utilisée que si l’orientation de l’orbite de l’exoplanète est parfaitement droite, ce qui n’est vrai que pour une petite fraction de tous les systèmes exoplanétaires. Le nouveau spectre a, pour sa part, été obtenu depuis le sol, en utilisant le VLT – le très grand télescope – de l’ESO avec des observations directes qui ne dépendent pas de l’orientation de l’orbite.
Etant donné que l’étoile hôte est plusieurs milliers de fois plus brillante que la planète, l’obtention de ce spectre est vraiment remarquable. « C’est comme essayer de voir de quoi est faite une bougie en l’observant à deux kilomètres de distance alors qu’elle se trouve à côté d’une lampe éblouissante de 300 watts » précise Markus Janson.
Cette découverte a été possible grâce à l’instrument infrarouge NACO, installé sur le VLT et dépend pour beaucoup de l’extraordinaire capacité du système d’optique adaptative [3] de cet instrument. Des images et des spectres encore plus précis d’exoplanètes géantes sont attendus avec l’instrument de prochaine génération SPHERE, qui sera installé au VLT en 2011, ainsi qu’avec le télescope géant européen.
Les toutes nouvelles données recueillies montrent que l’atmosphère entourant la planète est encore peu comprise. « les caractéristiques observées dans le spectre ne sont pas compatibles avec les modèles théoriques en vigueur, » explique Wolfgang Brandner, un des co-auteur de l’article. « Nous avons besoin de prendre en compte une description plus détaillée des nuages de poussière atmosphérique ou accepter que l’atmosphère a une composition chimique différente de ce qui était précédemment supposé. »
Les astronomes espèrent pouvoir disposer rapidement des « empreintes digitales » des deux autres planètes géantes, ils pourront ainsi comparer, pour la première fois, les spectres de trois planètes appartenant au même système. « Cela nous apportera sans aucun doute de précieuses informations sur les processus qui conduisent à la formation de systèmes planétaires tel que le nôtre » conclu Markus Janson.
Notes
[1] Comme le démontrent tous les arcs en ciel, la lumière blanche peut être décomposée en différentes couleurs. Les astronomes décomposent artificiellement la lumière des objets lointains qu’ils reçoivent dans ces différentes couleurs (ou longueurs d’onde). Toutefois, là où nous distinguons cinq ou six couleurs de l’arc en ciel, les astronomes obtiennent des centaines de couleurs finement nuancées, produisant un spectre – un enregistrement des différentes quantités de lumière émises par un objet dans chaque bande étroite de couleur. Les détails du spectre – plus de lumière émises dans certaines couleurs et moins dans d’autres – fournissent des informations sur la composition chimique de la matière produisant la lumière. Cette possibilité d’enregistrer les spectres fait de la spectroscopie un outil de recherche important pour l’astronomie.
[2] En 2004, en utilisant l’instrument NACO sur le VLT des astronomes ont obtenu une image et un spectre d’un objet de 5 masses de Jupiter autour d’une naine brune – une « étoile inachevée ». On pense toutefois que ces deux objets se sont probablement formés ensemble – comme une petite étoile binaire, au lieu que le compagnon se soit formé dans le disque autour de la naine brune, comme un système étoile-planète (Voir ESO 28/04, ESO 15/05 et ESO 19/06).
[3] Les télescopes terrestres souffrent de l’effet de brouillage dû à la turbulence atmosphérique. Ces turbulences provoquent le scintillement des étoiles qui enchante les poètes mais frustre les astronomes car il brouille les détails subtils des images. Toutefois, avec les techniques de l’Optique Adaptative, cette perturbation majeure peut être corrigée de telle sorte que les télescopes fournissent des images qui sont théoriquement aussi précises que possible, i.e. se rapprochant des conditions spatiales. Les systèmes d’optique adaptative fonctionnent au moyen de miroirs déformables contrôlés par ordinateur qui neutralisent les distorsions provoquées par les turbulences atmosphériques. Le principe repose sur des corrections optiques en temps réel calculées à une très grande vitesse (plusieurs centaines de fois par seconde) à partir de données d’image obtenues par un détecteur de front d’ondes (une caméra spéciale) qui contrôle la lumière à partir d’une étoile de référence.
Plus d’informations
Cette recherche a été présentée dans un article sous forme de lettre dans l’Astrophysical Journal (“Spatially resolved spectroscopy of the exoplanet HR 8799 c”, by M. Janson et al.).
L’équipe est composée de M. Janson (University of Toronto, Canada), C. Bergfors, M. Goto, W. Brandner (Max-Planck-Institute for Astronomy, Heidelberg, Allemagne) et D. Lafrenière (University of Montreal, Canada). Les données préparatoires ont été obtenues avec l’instrument IRCS sur le télescope Subaru.
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Source : ESO – European Southern Observatory
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