En combinant les observations du satellite CoRoT du CNES et l’instrument HARPS de l’ESO, des astronomes ont découvert la première exoplanète « normale » qui a pu être étudiée de manière très détaillée. Appelée CoRoT-9b, cette planète passe périodiquement devant une étoile semblable au Soleil, située à 1500 années-lumière de la Terre dans la constellation du Serpent.
« C’est une exoplanète tempérée normale, tout comme plusieurs douzaines d’exoplanètes détectées à ce jour, mais c’est la première pour laquelle nous avons pu étudier les propriétés en profondeur, » déclare Claire Moutou, un des 60 chercheurs de l’équipe internationale qui a fait cette découverte. « Il est certain que cette planète va devenir une pierre de Rosette dans le domaine de la recherche d’exoplanètes. »
« CoRoT-9b est la première exoplanète qui peut vraiment ressembler aux planètes de notre système solaire » ajoute Hans Deeg, le premier auteur de l’article scientifique. « Elle a la taille de Jupiter et une orbite similaire à celle de Mercure. »
« Comme nos planètes géantes, Jupiter et Saturne, cette planète est principalement composée d’hydrogène et d’hélium », précise Tristan Guillot, un des membres de l’équipe « et elle peut contenir jusqu’à 20 masses terrestres d’autres éléments, dont de l’eau et des roches à haute pression et haute température. »
Depuis la Terre, on voit CoRoT-9b passer devant son étoile tous les 95 jours [1]. Ce « transit » dure environ 8 heures et fournit aux astronomes de nombreuses informations complémentaires sur cette planète. C’est une chance que cette géante gazeuse partage beaucoup de caractéristiques avec la majorité des exoplanètes découvertes jusqu’à présent [2].
« Notre étude nous a permis d’obtenir plus d’informations sur CoRoT-9b que pour les autres exoplanètes du même type,» précise Didier Queloz, un des coauteurs de l’article. « Elle peut déboucher sur un nouveau champ de recherche pour comprendre l’atmosphère des planètes de température modérée, voire faible, et ouvrir une nouvelle fenêtre dans notre compréhension de la chimie à faible température. »
Plus de 400 exoplanètes ont été découvertes jusqu’à présent parmi lesquelles 70 ont été détectées par la méthode des transits. CoRoT-9b est spéciale car la distance qui la sépare de son étoile est environ dix fois plus grande que dans le cas des planètes découvertes précédemment avec cette méthode. Et, contrairement à toutes les exoplanètes de ce type, elle a un climat tempéré. On suppose que la température de sa surface gazeuse est comprise entre 160 degrés et -20 degrés Celsius, avec des variations minimes entre le jour et la nuit. La valeur exacte dépend de la présence possible d’une couche de nuages extrêmement réfléchissants.
Le satellite CoRoT, exploité par le CNES, l’agence spatiale française [3], a identifié cette planète après 145 jours d’observation durant l’été 2008. Les observations avec le très performant chasseur d’exoplanète de l’ESO – l’instrument HARPS installé au foyer du télescope de 3,6 mètres de diamètre à La Silla, au Chili – ont permis aux astronomes de mesurer sa masse, confirmant que CoRoT-9b est effectivement une exoplanète, avec une masse d’environ 80% de la masse de Jupiter.
Cette découverte est publiée dans l’édition du journal Nature de cette semaine.
Notes
[1] Un transit planétaire a lieu lorsqu’un corps céleste passe devant son étoile et bloque une partie de sa lumière. Ce type d’éclipse provoque des variations dans la luminosité apparente de l’étoile et permet de mesurer le diamètre de la planète. Combinée avec des mesures de vitesse radiale réalisées avec le spectrographe HARPS, il est aussi possible de déduire la masse et, par conséquent, la densité de la planète. C’est cette combinaison qui permet aux astronomes d’étudier cet objet de manière très détaillée. C’est justement le fait que cette planète transite – mais néanmoins pas suffisamment près de sont étoile pour être un « Jupiter chaud » – qui en fait un objet spécialement bien adapté pour de prochaines études.
[2] Les exoplanètes géantes gazeuses et tempérées constituent jusqu’à présent le groupe d’exoplanètes découvert le plus connu.
[3] Le télescope spatial CoRoT (Convection, Rotation and Transits) a été construit par le CNES en collaboration avec des laboratoires associés du CNRS-INSU et avec des contributions de l’Allemagne de l’Autriche, de la Belgique, du Brésil, de l’Espagne et de l’Agence spatiale Européenne (ESA). Il a été spécialement conçu pour détecter des planètes en transit et pour mener des études sur la sismologie des étoiles. Ces résultats sont complétés par des observations réalisées par plusieurs télescopes au sol parmi lesquels l’IAC-80 (Tiede Observatory), le Canada France Hawaï Télescope – CFHT- (HawaÏ), le télescope Isaac Newton (Roque de los Muchachos Observatory), Wise Observatory (Israel), le Faulkes North Telescope du réseau Las Cumbres Observatory Global Telescope Network (Hawaï), l’Observatoire de Haute Provence (France) et le télescope de 3,6 mètres de l’ESO (Chile).
Plus d’information
Cette recherche a été présentée dans un article scientifique publié cette semaine dans Nature (“A transiting giant planet with a temperature between 250 K and 430 K”), by H. J. Deeg et al.
L’équipe est composée de H.J. Deeg, B. Tingley, J.M. Almenara, et M. Rabus (Instituto de Astrof?sica de Canarias, Tenerife, Espagne), C. Moutou, P. Barge, A. S. Bonomo, M. Deleuil, J.-C. Gazzano, L. Jorda, et A. Llebaria (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, Université de Provence, CNRS-INSU, OAMP, France), A. Erikson, Sz. Csizmadia, J. Cabrera, P. Kabath, H. Rauer (Institute of Planetary Research, German Aerospace Center, Berlin, Allemagne), H. Bruntt, M. Auvergne, A. Baglin, D. Rouan, et J. Schneider (Observatoire de Paris-Meudon, CNRS-INSU, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Diderot, France), S. Aigrain et F. Pont (University of Exeter, UK), R. Alonso, C. Lovis, M. Mayor, F. Pepe, D. Queloz, et S. Udry (Observatoire de l’Université de Genève, Suisse), M. Barbieri (Università di Padova, Italie), W. Benz (Universität Bern, Suisse), P. Bordé, A. Léger, M. Ollivier, et B. Samuel (Institut d’Astrophysique Spatiale, Université Paris XI, Orsay, France), F. Bouchy et G. Hébrard (Institut d’Astrophysique de Paris,CNRS-INSU, Université Pierre et Marie Curie, France), L. Carone et M. Pätzold (Rheinisches Institut für Umweltforschung an der Universität zu Köln, Germany), S. Carpano, M. Fridlund, P. Gondoin, et R. den Hartog (ESTEC/ESA, Noordwijk, Hollande), D. Ciardi (NASA Exoplanet Science Institute/Caltech, USA), R. Dvorak (University of Vienna, Autriche), S. Ferraz-Mello (Universidade de São Paulo, Brésil), D. Gandolfi, E. Guenther, A. Hatzes, G. Wuchterl, B. Stecklum (Thüringer Landessternwarte, Tautenburg, Allemagne), M. Gillon (University of Liège, Belgique), T. Guillot et M. Havel (Observatoire de la Côte d’ Azur, CNRS-INSU, Université de Nice Sophia Antipolis, France), M. Hidas, T. Lister, et R. Street (Las Cumbres Observatory Global Telescope Network, Santa Barbara, USA), H. Lammer et J. Weingrill (Space Research Institute, Austrian Academy of Science), et T. Mazeh et A. Shporer (Tel Aviv University, Israel).
L’ESO – l’Observatoire Européen Austral – est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 14 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. A Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et VISTA, le plus grand télescope pour les grands relevés. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope européen géant – l’E-ELT- qui disposera d’un miroir primaire de 42 mètres de diamètre et observera dans le visible et le proche infrarouge. L’E-ELT sera « l’œil tourné vers le ciel » le plus grand au monde.
Liens
- Article scientifique
- Plus d’informations : exoplanet media kit
Source: ESO
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