Notre environnement cosmique proche – le Groupe local de galaxies – a-t-il vécu un épisode de collision particulièrement violente il y a 6 milliards d’années ? C’est ce qu’indiquent les simulations numériques effectuées par six chercheurs de l’Observatoire de Paris, du CNRS, et des Observatoires astronomiques nationaux de l’Académie des sciences de Chine NAOC. Cette fusion de deux galaxies serait à l’origine de la formation de la spirale géante d’Andromède et des deux Nuages de Magellan, qui s’approchent de notre Voie lactée. Les résultats seront publiés les 20 novembre et 10 décembre 2010 dans deux articles d’Astrophysical Journal.
Le Groupe local, composé d’une quarantaine de galaxies qui nous entourent, est dominé par deux grandes spirales : Andromède (Messier 31) et notre propre Galaxie, la Voie lactée. Si l’origine de cette dernière reste encore mystérieuse, la plupart des astronomes s’accordent à penser qu’Andromède, elle, s’est formée par collision de deux galaxies de plus petites masses. Mais quand et comment s’est produit cet évènement majeur ? Quelles en sont les conséquences ? L’équipe emmenée par l’astronome François Hammer de l’Observatoire de Paris(1) et qui inclut des chercheurs des Observatoires astronomiques nationaux de l’Académie des sciences de Chine NAOC(2) a modélisé, pour la première fois, l’évolution et la structure de la galaxie d’Andromède. Les chercheurs ont ainsi pu reproduire l’ensemble des propriétés exceptionnelles de l’astre : un grand disque mince dans lequel s’inscrit un anneau géant de gaz, un bulbe central massif, un gigantesque disque épais, un courant géant d’étoiles vieilles et de nombreux autres courants d’étoiles dans son halo périphérique. Ils en déduisent qu’Andromède serait le résultat d’une fusion entre une galaxie un peu plus massive que la Voie lactée et une autre environ trois fois plus modeste. Les âges apparents des étoiles dans les différentes composantes datent précisément l’événement : les deux galaxies se sont rencontrées pour la première fois il y a moins de 9 milliards d’années, pour finalement s’unir il y a 5,5 milliards d’années.
Naissance d’Andromède
Une telle collision serait la plus importante survenue dans l’histoire du Groupe local. D’autant que la galaxie d’Andromède et ses satellites contiennent la majeure partie de la matière baryonique ordinaire, étoiles et gaz visibles, de ce groupe. La collision a dû être très violente, pour générer la rotation (moment angulaire) nécessaire à la reformation du disque de la galaxie produite, après le choc. Les simulations prédisent qu’une masse d’environ un tiers de celle de la Voie lactée, sous forme de gaz et d’étoiles, a été expulsée durant l’interaction formant ce que l’on appelle les « queues de marée » générées par la force de gravité. Une grande partie de cette matière s’est, ensuite, dispersée au sein d’un super plan orienté le long du disque de la galaxie d’Andromède. Ce dernier est vu de profil, pratiquement de côté, avec une inclinaison de 77° par rapport au fond du ciel. Le super plan englobe ainsi notre Galaxie.
Nuages de Magellan
Dans un second volet de l’étude, les astronomes se sont ainsi interrogés sur une des conséquences possibles de la perturbation pour notre Galaxie et son environnement. L’origine des Nuages de Magellan, au voisinage de la Voie lactée, restait jusque-là assez mystérieuse. Une solution attrayante apparaît : les Nuages sont nés dans une des queues de marée créées lors de la collision à l’origine de la galaxie d’Andromède. Ils ont été éjectés en direction de notre Galaxie. Au vu de leurs vitesses particulières, ils « tombent » actuellement vers nous à une allure considérable : un million de kilomètres/heure (350 km/s) ! Une autre propriété intriguante de ces Nuages semble s’expliquer : ils sont riches en gaz, comme les queues de marée, et de forme irrégulière. Les astronomes de l’Observatoire de Paris et NAOC ont utilisé les vitesses mesurées de ces objets pour en déduire leur position il y a plusieurs milliards d’années, et remonter le fil du temps.
S’ils se confirment, les résultats sur les mœurs jadis tourmentées des galaxies du Groupe local pourraient avoir des conséquences importantes en cosmologie. D’une part, ils supportent l’hypothèse que les galaxies spirales se sont formées par fusions successives. D’autre part, ils confortent la prédiction qu’une partie non négligeable des galaxies naines se sont formées à partir des queues de marée.
Simulations
Les simulations astrophysiques ont été réalisées sur les ordinateurs du centre de calcul haute performance de la NAOC en Chine et de son homologue de l’Observatoire de Paris. Dans le cas de la formation de la galaxie d’Andromède par collision, entre 300 000 et 8 millions de particules ont été utilisées pour reproduire la dynamique du système constitué par les étoiles, le gaz et la matière noire. Certains calculs conduits à l’Observatoire de Paris sur des machines à 8 processeurs ont duré 1 à 20 jours et généré 7 à 23 gigaoctets de données. Au total, près d’une centaine de modèles ont été testés.
Cliquer sur ce lien pour voir le Film présentant la simulation de la collision des deux galaxies
Équipe
Les chercheurs sont : François Hammer GEPI (Observatoire de Paris, INSU-CNRS, Université Paris Diderot) ; Yanbin Yang NAOC ; Jianling Wang, Mathieu Puech, Hector Flores et Sylvain Fouquet GEPI (Observatoire de Paris, INSU-CNRS, Université Paris-Diderot).
Notes :
(1) Laboratoire « Galaxies, étoiles, physique, instrumentation » GEPI (Observatoire de Paris / CNRS / Université Paris Diderot)
(2) NAOC National Astronomical Observatories, Chinese Academy of Sciences
Références :
Does M31 results from an ancient major merger?, F. Hammer, Y. B. Yang, J.L. Wang, M. Puech, H. Flores & S. Fouquet, à paraître le 20 novembre 2010 dans Astrophysical Journal
Could the Magellanic Clouds be tidal dwarves expelled from a past-merger event occurring in Andromeda?, Y. B. Yang & F. Hammer à paraître le 10 décembre 2010 dans Astrophysical Journal Letters.
Collaboration
Les travaux ont impliqué : le Laboratoire Galaxies, étoiles, physique et instrumentation GEPI (Observatoire de Paris / CNRS / Université Paris Diderot), et les Observatoires astronomiques nationaux de l’Académie des sciences de Chine NAOC (National Astronomical Observatories, Chinese Academy of Sciences) avec le soutien du Laboratoire international associé « Origines » (CNRS, Observatoire de Paris, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Diderot, NAOC), créé le 22 octobre 2008 à Pékin.
Laisser un commentaire