Les ordinateurs en pause sont le terrain de jeux des astronomes. Trois scientifiques citoyens, un Allemand et deux Américains, ont découvert un nouveau pulsar radio dans des données recueillies par l’Observatoire Arecibo. C’est la première découverte relative à l’espace lointain réalisée par Einstein@Home, qui se sert d’ordinateurs personnels et de bureau dont des périodes d’utilisation sont offertes par 250 000 bénévoles dans 192 pays. (Science Express, 12 août 2010)
Les citoyens à qui on a attribué la découverte sont Chris et Helen Colgin, d’Ames, dans l’Iowa, et Daniel Gebhardt, du Département d’informatique de la musique de l’Université de Mayence, en Allemagne. Leurs ordinateurs, de concert avec 500 000 autres répartis sur la planète, analysent des données pour Einstein@Home (en moyenne, les donateurs « prêtent » deux ordinateurs chacun).
Le nouveau pulsar, appelé PSR J2007+2722, est une étoile à neutrons qui effectue 41 rotations par seconde. Elle se trouve dans la Voie lactée, à environ 17 000 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Petit Renard. Contrairement à la plupart des pulsars qui tournent aussi rapidement et régulièrement, PSR J2007+2722 est seul dans l’espace et n’a pas de compagnon d’orbite. Les astronomes le considèrent particulièrement intéressant puisqu’il s’agit vraisemblablement d’un pulsar recyclé qui a perdu son compagnon. Toutefois, ils ne peuvent négliger le fait qu’il pourrait être un jeune pulsar, né avec un champ magnétique plus faible que la normale.
Installé au Centre de gravitation et de cosmologie de l’Université du Wisconsin à Milwaukee et à l’Institut Max-Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert-Einstein de Hanovre), Einstein@Home est à la recherche d’ondes gravitationnelles dans les données de l’observatoire américain LIGO depuis 2005. En mars 2009, Einstein@Home a également commencé à chercher des signaux émanant de pulsars radio lors d’observations astronomiques réalisées à l’Observatoire Arecibo, à Porto Rico. Géré par l’Université Cornell, l’Observatoire Arecibo est le télescope radio le plus gros et le plus sensible au monde. Environ le tiers de la capacité de calcul d’Einstein@Home sert à effectuer des recherches dans ses données.
« Il s’agit d’un moment stimulant pour Einstein@Home et nos bénévoles. Cela prouve que la participation du public peut permettre de découvrir de nouveaux éléments de notre univers. J’espère inspirer plus de gens à se joindre à nous pour aider à découvrir d’autres secrets cachés dans les données », a déclaré Bruce Allen, chef du projet Einstein@Home, directeur à l’Institut Max-Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert-Einstein) et professeur adjoint de physique à l’Université du Wisconsin à Milwaukee.
Intitulé « Pulsar Discovery by Global Volunteer Computing », l’article est signé par un des étudiants de monsieur Allen aux cycles supérieurs, Benjamin Knispel, de l’Institut Albert-Einstein, en Allemagne; Bruce Allen; James M. Cordes, titulaire de la chaire Cornell d’astronomie et directeur du Consortium Pulsar ALFA; et par une équipe de collaborateurs. Il annonce la première véritable découverte en astronomie effectuée grâce à un projet public de calcul réparti entre des bénévoles.
« Peu importe ce que nous découvrirons de plus sur le pulsar, nous sommes certains qu’il est extrêmement intéressant pour comprendre les fondements de la physique des étoiles à neutrons et la façon dont elles se forment. Sa découverte a nécessité un système complexe comprenant le télescope Arecibo et les ressources informatiques de l’Institut Albert-Einstein, du Centre Cornell de calcul avancé et de l’Université du Wisconsin à Milwaukee pour pouvoir envoyer des données à travers le monde aux bénévoles d’Einstein@Home », a déclaré monsieur Cordes. L’Observatoire Arecibo est financé par la Fondation nationale de la science, qui collabore avec le Max Planck Gesellschaft pour soutenir Einstein@Home.
Les ondes gravitationnelles ont d’abord été prédites par Einstein en 1916 qui les voyait comme la conséquence de sa théorie de la relativité générale, mais n’ont pas encore été détectées directement. Einstein@Home a été mis sur pied dans le cadre des activités de la Société américaine de physique pour l’Année mondiale 2005 de la physique. Au cours des cinq dernières années, Einstein@Home était à la recherche d’ondes gravitationnelles dans les données de détecteurs de l’observatoire américain LIGO.
Les pulsars radio sont des étoiles à neutrons à rotation rapide qui émettent des faisceaux d’ondes radio semblables à ceux des phares qui peuvent balayer le ciel au-delà de la Terre aussi souvent que 716 fois par seconde. Ils ont été découverts en 1967 par Jocelyn Bell et Antony Hewish. (Coïncidence, le premier pulsar découvert se trouvait aussi dans la constellation du Petit Renard.) Les pulsars qui possèdent des compagnons d’orbite sont appelés pulsars binaires. Ils ont été utilisés pour vérifier la théorie de la relativité générale d’Einstein jusqu’à des niveaux de précision très élevés.
Pulsar recyclé interrompu : lorsque deux étoiles massives naissent l’une près de l’autre et qu’elles proviennent du même nuage gazeux, elles peuvent former un système binaire et effectuer une orbite, l’une autour de l’autre, dès leur naissance. Si ces deux étoiles sont au moins quelques fois aussi massives que notre soleil, leurs vies à toutes deux se termineront lors d’une explosion en supernova. L’étoile la plus massive explosera la première, laissant derrière elle une étoile à neutrons. Si l’explosion ne repousse pas la deuxième étoile, le système binaire survivra. L’étoile à neutrons pourra ensuite être visible comme un pulsar radio, perdre lentement de l’énergie et de la vitesse de rotation. Plus tard, la deuxième étoile pourra gonfler, ce qui permettra à l’étoile à neutrons d’aspirer sa matière. La matière qui se retrouve dans l’étoile à neutrons en fait accélérer la rotation et réduit son champ magnétique. C’est ce qu’on appelle le « recyclage » parce que ce processus remet l’étoile à neutrons dans un état de rotation rapide. Finalement, la deuxième étoile explosera elle aussi en supernova, ce qui produira une autre étoile à neutrons. Si cette seconde explosion ne réussit pas elle non plus à perturber le système binaire, une étoile à neutrons double binaire sera formée. Autrement, l’étoile à neutrons qui subit l’accélération restera sans compagnon et deviendra un « pulsar recyclé interrompu » dont la vitesse variera de quelques rotations à 50 par seconde.
L’Observatoire Arecibo possède le télescope à parabole unique le plus grand au monde et sert à étudier les pulsars, les galaxies, les composantes du système solaire et l’atmosphère terrestre. Le premier pulsar binaire a été découvert à Arecibo en 1974 et, en raison de son test rigoureux de relativité générale, est à l’origine du Prix Nobel de physique remporté en 1993 par Hulse et Taylor. L’étude du Pulsar ALFA (PALFA) présentement en cours à Arecibo fait appel à une caméra radio spécialisée et au réseau de source à bande L. Elle est dirigée par le Consortium PALFA d’astronomes. Les importants groupes de données provenant de l’étude Arecibo sont archivés et traités initialement à l’Université Cornell et dans d’autres institutions du PALFA. Pour le projet Einstein@Home, les données sont envoyées du Centre Cornell de calcul avancé à l’Institut Albert-Einstein d’Hanovre par l’intermédiaire de liens Internet à large bande passante, prétraitées puis distribuées dans des ordinateurs partout dans le monde. Les résultats sont retournés à l’Institut Albert-Einstein et au Centre Cornell pour des recherches plus poussées.
Le Consortium Pulsar ALFA (PALFA) a été créé en 2003 au profit d’une recherche à grande échelle sur les pulsars à l’aide du télescope Arecibo. Il regroupe des astronomes provenant de vingt universités, instituts et observatoires de la planète.
L’Institut Max-Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert-Einstein) est le plus grand institut de recherche au monde consacré à l’étude de la relativité générale. Ses deux divisions de Potsdam et Hanovre soutiennent la recherche en astrophysique, en physique théorique, en mathématique et en physique expérimentale. L’IAE d’Hanovre est une entreprise commune de la Société Max-Planck et de l’Université de Leibniz de Hanovre. De concert avec des partenaires britanniques, il exploite le détecteur d’ondes gravitationnelles GEO600 près d’Hanovre, en Allemagne; il est partenaire du projet américain LIGO et joue un rôle important dans l’analyse de données provenant de tous les détecteurs d’ondes gravitationnelles existants, y compris le détecteur VIRGO en Italie. Le logiciel utilisé pour les recherches radio d’Einstein@Home a été mis au point par l’IAE à Hanovre. Le Centre de gravitation et de cosmologie de l’Université du Wisconsin à Milwaukee est l’hôte du projet et joue un rôle important dans les activités d’analyse de données de la Collaboration scientifique LIGO. Il effectue aussi des observations radio du télescope Arecibo en tant que Centre télécommandé Arecibo. C’est l’infrastructure ouverte de Berkeley pour le calcul en réseau appelé BOINC qui est utilisée par Einstein@Home et nombre d’autres projets bénévoles de calcul, dont SETI@Home. Il a été conçu au Laboratoire des sciences spatiales de Berkeley de l’Université de Californie, sous la direction du professeur David Anderson.
Financement
La Fondation américaine de science soutient ces travaux par l’intermédiaire de subventions versées au projet Einstein@Home, au projet PALFA et au projet BOINC de l’Université de Californie à Berkeley, et d’une entente de coopération avec l’Université Cornell qui exploite l’Observatoire Arecibo. L’Institut Max-Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert-Einstein) est soutenu par la Société Max-Planck et l’Université Leibniz à Hanovre.
Source: Max Planck Institute for Gravitational Physics (Albert Einstein Institute) and
Institute for Gravitational Physics at Leibniz Universität Hannover/ Eureka Alert
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