Une équipe internationale d’astronomes, comprenant plusieurs chercheurs français de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Joseph Fourier), à l’Observatoire des sciences de l’univers de Grenoble, vient de découvrir l’astre le plus froid jamais caractérisé directement en dehors du système solaire. Avec une température atmosphérique d’environ 100°C, cet astre appelé CFBDSIR1458+10B se rapproche plus des planètes du système solaire que de tout autre astre imagé à l’heure actuelle (étoiles, naines brunes ou exoplanètes). Il est en orbite autour d’une naine brune, CFBDSIR1458+10A, elle-même très froide (250-300°C). Ces résultats, publiés le 23 mars 2011 dans Astrophysical Journal, permettent d’en savoir plus sur la physique des atmosphères dans un domaine de température encore inexploré où se logent de nombreuses exoplanètes.
En 2010, une équipe franco-canadienne menée par Philippe Delorme de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Joseph Fourier), à l’Observatoire des sciences de l’univers de Grenoble, et Loïc Albert de l’Université de Montréal, a découvert une naine brune, appelée CFBDSIR1458+10A avec les caméras grand champs WIRCam et MegaCam (1) équipant le Canada-France-Hawaii télescope (CFHT, CNRS/CNRC/Université d’Hawaii). La même équipe, en collaboration avec Mike Liu de l’Université d’Hawaii, vient d’identifier un compagnon à cette naine brune, CFBDSIR1458+10B, sur des images à haute résolution prises avec le télescope Keck situé au sommet du Mauna Kea a Hawaii (2). La distance du couple stellaire à la Terre de 75 années-lumière a ensuite pu être mesurée (3) en utilisant la caméra infrarouge WIRCam du CFHT. En combinant cette information avec des données obtenues grâce au spectrographe X-shooter du Very Large Telescope (ESO) (4), les chercheurs ont pu contraindre précisément la température du système.
La naine brune CFBDSIR1458+10A a une température de 250-300°C tandis que CFBDSIR1458B a une masse comprise entre 5 et 20 fois celle de Jupiter et une température de 370 K (plus ou moins 40 K), ce qui correspond à presque 100°C, la température de l’eau bouillante sur Terre. A de telles températures, les chercheurs pensent que cette naine brune a des propriétés complètement différentes des naines brunes connues jusqu’à présent. Ses propriétés seraient en effet plus proches de celles des planètes du système solaire, permettant par exemple la présence de nuages d’eau liquide ou gelée dans son atmosphère. Cet objet se trouve à la frontière, très floue, entre les petites étoiles froides et les grosses planètes chaudes.
D’après les chercheurs, dans un futur proche, lorsque l’on pourra commencer à obtenir des images directes des planètes gazeuses orbitant autour d’étoiles proches, il est probable qu’une fraction importante d’entre elles ressemblera à CFBDSIR 1458+10B.
Mike Liu et ses collègues français vont continuer à observer CFBDSIR1458+10B pour mieux déterminer ses propriétés et commencer à tracer son orbite autour de CFBDSIR1458+10A.
L’objectif de ces travaux à long terme est de déterminer la physique des atmosphères des planètes géantes (de masses similaires à celle de Jupiter) dans un domaine de température encore inexploré où se situent de nombreuses exoplanètes. La plupart des exoplanètes sont détectées indirectement donc sans possibilité d’accéder aux caractéristiques de leurs atmosphères. Les seules exoplanètes dont les scientifiques ont pu étudier l’atmosphère sont chaudes (1000 à 2000°C), soit parce qu’elles sont jeunes soit parce qu’elles sont chauffées par leurs étoiles hôtes, dont elles sont proches. L’écart en température est donc énorme entre ces planètes extra-solaires et les planètes géantes du système solaire : Jupiter et Saturne qui ont des températures respectivement de -150 et -190°C. Les seuls objets de température intermédiaire actuellement observables par les astronomes sont les naines brunes. Ce sont des astres dont la masse est comprise entre celles des planètes et des étoiles et dont le coeur n’est pas le siège de réactions nucléaires stables. Elles se forment comme les étoiles et sont isolées, elles peuvent donc être observées plus facilement qu’une planète noyée dans la lumière de son étoile.
Les naines brunes connues jusqu’à maintenant ont des températures entre 2000°C et 300°C. Les équipes scientifiques se sont lancées dans une course effrénée pour détecter des naines brunes encore plus froides qui feraient le lien complet en température jusqu’aux planètes du système solaire. En découvrant aujourd’hui une naine brune de 100°C l’équipe franco-canadienne s’approche du but : il ne reste plus que 200° C à couvrir !
Notes :
(1) Pour en savoir plus sur la caméra WIRCam (Consulter le site web,astronomes-voient-rouge-telescope-canada-france-hawaii.html) et sur MegaCam (Consulter le site web,megaprime-nouvel-339-il-telescope-canada-france-hawaii.html).
(2) Le dispositif d’optique adaptative du télescope Keck permet de s’affranchir des perturbations dues à l’atmosphère terrestre et d’obtenir des images de meilleure résolution. Il a permis aux chercheurs de résoudre la très petite distance angulaire séparant les deux composants de ce système binaire.
(3) Les astronomes ont mesuré le mouvement apparent des naines brunes par rapport à l’arrière-plan d’étoiles plus distantes en profitant des changements de position de la Terre au cours de son orbite autour du Soleil. Cet effet, appelé parallaxe, leur permet de déterminer la distance des deux naines brunes par rapport à la Terre.
(4) Pour en savoir plus : Consulter le site web
Références :
CFBDSIR J1458+1013B : A Very Cold (>T10) Brown Dwarf in a Binary System
Michael C. Liu, Philippe Delorme, Trent J. Dupuy, Brendan P. Bowler, Loic Albert, Etienne Artigau, Celine Reylé, Thierry Forveille, Xavier Delfosse
Astrophysical Journal, 23 mars 2011
Source: communiqué de presse du CNRS
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