L’azote solaire est très différent de celui des météorites et de la Terre. Tel est le résultat obtenu par une équipe franco-américaine dirigée par le Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS) de Nancy, après analyse des échantillons de vent solaire récoltés par la mission spatiale Genesis lancée par la NASA en 2001. Il a ainsi été possible de déterminer la composition isotopique du Soleil, son « ADN » en quelque sorte, qui reflète la composition du nuage de gaz et de poussières dont est issu le système solaire. Ces travaux, qui ont notamment bénéficié du soutien du CNRS, du CNES et de la Région Lorraine, pourraient permettre de mieux comprendre les phénomènes à l’origine du système solaire. Ils sont publiés le 24 juin 2011 dans la revue Science, dont ils font la couverture.
D’où vient la matière de notre système solaire ? Comment s’est-il formé ? Pour répondre à ces questions, les scientifiques s’intéressent au Soleil. En effet, notre étoile concentre plus de 99% de la matière actuellement présente dans le système solaire. Surtout, elle a conservé la composition initiale de la nébuleuse protosolaire, nuage de gaz et de poussières dont est issu le système solaire. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des autres corps du système solaire, comme la Terre, Mars ou les météorites. Ces derniers s’étant formés à haute température, ils ont perdu les éléments volatils primitifs. Leur composition actuelle ne reflète pas la composition de la nébuleuse protosolaire.
La composition chimique du Soleil nous est connue grâce à l’analyse de la lumière qu’il émet. Mais, impossible de déterminer à distance l’abondance en isotope. En effet, pour un même élément, différents isotopes peuvent exister (14N et 15N pour l’azote ; 16O, 17O et 18O pour l’oxygène, etc.) : ils diffèrent par leur nombre de neutrons, tout en ayant le même nombre d’électrons et de protons. Etablir les compositions isotopiques en azote et oxygène du Soleil figurait parmi les principaux objectifs de la mission Genesis. La raison ? Les rapports isotopiques de ces éléments (15N/14N pour l’azote (1), 17O/16O et 18O/16O pour l’oxygène (2)) s’avèrent très disparates entre les différents objets du système solaire que sont la Terre, la Lune, Mars, les météorites, les comètes et les planètes géantes. Pour expliquer ces variations, il était indispensable de déterminer la composition isotopique de la nébuleuse protosolaire, autrement dit celle du Soleil aujourd’hui.
Lors de la mission Genesis qui s’est déroulée de décembre 2001 à avril 2004, des cibles ont été irradiées par le vent solaire pendant 27 mois. L’équipe de Bernard Marty au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) du CNRS a ensuite été sélectionnée par la NASA afin d’établir l’abondance des isotopes de l’azote dans les échantillons récoltés. Toutes leurs analyses (3) concordent vers le même résultat : l’azote solaire est différent de l’azote terrestre. Le Soleil est 60% plus pauvre en isotope 15N que la Terre. En d’autres termes, la Terre et les météorites sont enrichies de 60% en 15N tandis que les comètes le sont de 300 %. En parallèle, une équipe américaine a révélé que l’oxygène solaire est aussi appauvri en isotopes rares (17O et 18O) par rapport à celui sur Terre. Leur étude est également publiée dans la revue Science cette semaine. D’autre part, le rapport 15N/14N du Soleil est similaire à celui de l’atmosphère de Jupiter, analysé il y a dix ans par une sonde américaine. Cette similitude démontre que les planètes géantes, dont Jupiter, ont capturé dans leurs atmosphères une partie du gaz présent dans la nébuleuse primitive.
Tous les corps du système solaire (à l’exception des planètes gazeuses comme Jupiter) sont donc « anormalement » plus riches en isotopes rares d’azote et d’oxygène que le Soleil. De telles disparités ne sont pas observées pour les éléments non volatils. Caractériser l’origine de ces enrichissements permettrait de mieux comprendre les phénomènes à l’origine de notre système solaire. L’une des pistes actuellement explorée est la suivante : ces variations résulteraient d’une irradiation intense du gaz résiduel de la nébuleuse par le Soleil jeune, à cette époque beaucoup plus énergétique qu’aujourd’hui. Des réactions photochimiques auraient alors enrichi en isotopes rares les composés résultant de ces réactions, qui auraient été incorporés dans les météorites et les planètes telluriques. Une hypothèse qu’il reste à étudier…
Notes :
(1) L’azote-14 est l’isotope d’azote le plus abondant sur Terre.
(2) L’oxygène-16 est l’isotope d’oxygène le plus abondant sur Terre.
(3) Les premières analyses ont été menées sur des échantillons très pollués avant le vol par de l’azote-15. Elles ont donné lieu à des résultats avec une incertitude de +/-20%. La NASA a ensuite fourni des fragments d’une cible beaucoup moins polluée et plus riche en particules solaires. La composition isotopique de l’azote a alors été déterminée grâce à la nouvelle sonde ionique installée fin 2009 au CRPG (incertitude de +/- 0,7%).
Références :
A 15N-poor isotopic composition for the Solar System as shown by the Genesis solar wind samples. Marty B., Chaussidon M., Wiens R. C., Jurewicz A. J. G., Burnett D.S. Science. 24 juin 2011
Source : communiqué de presse du CNRS
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