Selon une étude de Nature Heredity, certaines espèces ne s’adapteraient pas à leur nouvel habitat
Les truites ne naissent pas toutes égales. En effet, si celles qui habitent les cours d’eau de Colombie-Britannique ressemblent à leurs cousines du Québec, elles n’en ont pas moins une constitution génétique différente, marquée par leur habitat. Cette particularité influerait à son tour sur la façon dont les poissons se reproduisent, grandissent et réagissent aux facteurs de stress environnementaux.
De telles variations régionales compliquent la transplantation de poissons visant à accroître les populations en baisse. C’est du moins une des conclusions de l’étude fascinante parue dans Heredity, une revue du Nature Publishing Group, qui examinait la faculté d’adaptation des truites, saumons, ombles chevaliers, corégones et ombres communs en Amérique du Nord et en Europe.
L’enquête, qui comparait 93 populations de poissons sauvages et d’élevage, a été menée par l’Université Concordia, en collaboration avec l’Université Simon Fraser, l’Université Laval et l’Université de la Colombie-Britannique, au Canada, ainsi que l’Université d’Aarhus, au Danemark.
« Nous ne pouvons pas considérer qu’une espèce est homogène dans toute son aire de répartition. Les poissons d’une même famille sont différents, selon qu’ils grandissent dans un lac, un étang ou un ruisseau », affirme Dylan J. Fraser, premier auteur de l’article et professeur de biologie à l’Université Concordia.
« Un saumon du Québec diffère de son cousin des provinces de l’Atlantique ou d’un individu de la même famille en Europe, poursuit-il. Il existe des variations considérables à l’intérieur des espèces. Cette diversité génétique peut permettre à un type particulier de poisson de prospérer dans une région – en s’adaptant mieux aux facteurs de stress tels que les changements de climat ou d’habitat – tandis que des stocks de poissons de la même espèce provenant d’une autre région diminuent. »
Conséquences économiques
Truites, saumons, ombles chevaliers, corégones et ombres communs sont importants pour l’industrie de la pêche commerciale, de la pêche récréative et de l’aquaculture. M. Fraser soutient que cette étude aura des répercussions économiques pour les entreprises ou les programmes de conservation qui transplantent des espèces à des fins diverses.
« Le saumon du Québec, par exemple, ne devrait pas être introduit dans les cours d’eau de Colombie-Britannique, explique-t-il. En fait, pour qu’il réussisse à s’acclimater à un nouvel environnement, le poisson devrait être sélectionné en fonction de sa proximité géographique. »
L’adaptation locale des stocks de poissons dépend de la sélection naturelle. « Celle-ci peut favoriser une croissance plus rapide chez certaines populations, poursuit l’expert. Si elles supportent en outre des températures plus élevées, elles pourraient mieux se faire aux nouvelles initiatives aquacoles pour parer aux changements climatiques. Il s’agit là d’un autre avantage de l’adaptation locale. »
L’équipe de recherche a examiné d’autres facteurs ayant entraîné la prospérité ou la diminution du cheptel piscicole : facteurs environnementaux, température, géologie, composition chimique de l’eau, distance de migration, pathogènes, parasites, proies et prédateurs.
Le résultat? « Les changements climatiques auront un impact majeur, souligne le spécialiste. Le fait de comprendre pourquoi les espèces locales vivent mieux – dans leur propre environnement – que les groupes étrangers pourrait permettre de prévoir quelles populations à l’intérieur d’une même famille auront le plus de chances de survivre. »
Partenaires de recherche :
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par le Conseil de recherche en sciences naturelles du Danemark.
À propos de l’étude :
Paru dans Nature Heredity, l’article « Extent and scale of local adaptation in salmonid fishes: review and meta-analysis » est l’œuvre de Dylan J. Fraser de l’Université Concordia, de Laura Weir de l’Université Simon Fraser, de Louis Bernatchez de l’Université Laval et d’Eric Taylor de l’Université de Colombie-Britannique, au Canada, ainsi que de Michael M. Hansen de l’Université d’Aarhus, au Danemark.
Sur le Web :
Article publié dans Nature Heredity :
http://www.nature.com/hdy/journal/vaop/ncurrent/full/hdy2010167a.html
Département de biologie de Concordia :
http://clone.concordia.ca/bioweb
Site Web de Dylan J. Fraser :
www.dylanfraser.com
Source: Sylvain-Jacques Desjardins – Université Concordia
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