Même s’il n’est pas nécessaire de crier pour se faire entendre, il est dans certains cas utile de pouvoir émettre des sons de manière intense. Or, produire un son avec puissance tout en respectant sa structure temporelle et fréquentielle n’est pas chose aisée. Explorant la diversité des sons produits par les insectes des rivières et des mares, Jérôme Sueur du laboratoire « Origine, structure et évolution de la biodiversité » (Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS), David Mackie et James F.C Windmill (University of Strathclyde, Glasgow) ont découvert qu’une toute petite punaise d’eau, le Micronecte pygmée (Micronecta pygmea), est capable de produire un son très intense. On savait déjà que les mâles de cet insecte avaient la particularité de produire un chant de cour à l’adresse des femelles grâce au frottement de leurs pièces génitales. En revanche, personne n’avait estimé l’intensité de ce signal qui est audible depuis le bord de l’eau. Les résultats de cette étude sont publiés cette semaine dans la revue PLoS ONE.
Afin d’estimer la puissance de ce chant, les scientifiques ont capturé plusieurs dizaines d’individus des eaux parisiennes. Grâce à un hydrophone et à un système d’enregistrement calibré, ils ont pu enregistrer, décrire et estimer la puissance du chant de 12 mâles. Les estimations indiquent une puissance moyenne de 79 dB à une distance de 1 m avec des pics à 99 dB. En effet, le chant des mâles est si intense qu’il traverse l’interface eau/air et peut être entendu à plusieurs mètres de distance. Ce niveau sonore est considérable surtout si l’on considère la toute petite taille de l’insecte. Si l’on compare le rapport puissance acoustique / taille du corps, le Micronecte pygmée apparaît comme l’animal le plus efficace en terme d’énergie acoustique, dépassant notamment les grands mammifères comme les éléphants ou les baleines !
L’intensité de ce chant pourrait être le résultat d’une sélection sexuelle non contrôlée par des contraintes externes comme celles exercées par des prédateurs. Cette faculté pourrait ainsi être considérée comme un caractère sexuel secondaire extrême au même titre que les bois des cervidés, les chants complexes de certains oiseaux ou les couleurs variées et éclatantes observées dans de nombreux groupes animaux.
Le mécanisme exacte de la production de ce chant reste encore à découvrir et pourrait peut-être inspirer le développement de systèmes audio de petites tailles. Ces observations montrent combien la diversité acoustique des animaux des mares et des rivières reste très peu explorée. Le comportement et les propriétés physiques des insectes aquatiques réservent certainement de nombreuses surprises.
Notes :
Sons
Deux exemples de sons peuvent être écoutés à l’adresse suivante:Consulter le site web
Financement
Recherche bilatérale Royaume-Uni / France financée par la Royal Society (Londres).
Références :
Sueur J, Mackie D, Windmill JFC (2011) — So small, so loud: extremely high sound pressure level from a pygmy aquatic insect (Corixidae, Micronectinae). PLoS ONE, 6(6): e21089. Accès libre en ligne: Consulter le site web
Source : communiqué de presse du CNRS
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