Pas folle la guêpe parasitoïde Dinocampus coccinellae ! Elle contrôle une coccinelle, pond un œuf dans son abdomen puis l’oblige à devenir le garde du corps de son cocon. Cette étonnante histoire de manipulation hôte-parasite vient d’être observée et analysée par des chercheurs du laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (CNRS/IRD/Université Montpellier 1) et de l’Université de Montréal. Si cette stratégie permet aux guêpes de protéger leurs larves de la prédation, elle n’est pas gratuite : ces dernières le payent en termes de fécondité. Les chercheurs ont également prouvé le caractère réversible de cette manipulation : une fois la larve éclose, certaines coccinelles peuvent recouvrer un comportement normal. Ces travaux sont publiés en ligne sur le site de Biology Letters :Consulter le site web
La guêpe Dinocampus coccinellae est un parasitoïde classique de la coccinelle maculée Coleomegilla maculata. Les femelles pondent un œuf dans l’abdomen de leur hôte, la coccinelle, et pendant le développement larvaire (environ une vingtaine de jours), le parasite s’alimente de ses tissus. Ensuite, la larve de la guêpe s’extrait de l’abdomen de la coccinelle, sans la tuer, et commence à tisser un cocon entre ses pattes. La coccinelle, en partie paralysée, se voit alors forcée de jouer le rôle de garde du corps de ce cocon !
Cette nouvelle stratégie de manipulation est intrigante à plusieurs niveaux : alors que l’immense majorité des guêpes parasitoïdes tuent leur hôte en se développant, la coccinelle parasitée par D. coccinellae reste en vie. De plus, la manipulation du comportement intervient alors que la larve a quitté l’hôte.
Les mécanismes de cette manipulation ont été observés à la loupe par l’équipe de Frédéric Thomas au laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (CNRS/IRD/Universités Montpellier 1 et 2), en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Montréal. Pour les chercheurs, le comportement atypique de la coccinelle résulte bien d’une manipulation orchestrée par la guêpe afin d’être protégée de la prédation jusqu’à la fin de son développement, c’est-à-dire jusqu’à l’émergence de la guêpe adulte. Les scientifiques ont montré au laboratoire que les cocons de la guêpe gardés par une coccinelle sont beaucoup moins vulnérables à la prédation comparés à ceux laissés seuls, ou ceux gardés par une coccinelle expérimentalement tuée. Des sécrétions laissées par la larve lors de son extraction de la coccinelle, contraindraient cette dernière à protéger le cocon une fois la larve sortie.
La larve de la guêpe se développe en utilisant les ressources de son hôte. Mais celles-ci doivent aussi rester en quantité suffisante pour la coccinelle pendant la période de gardiennage du cocon, puisqu’elle ne peut pas se nourrir tant qu’elle joue le rôle de garde du corps.
Ces travaux ont également permis aux chercheurs de valider un modèle théorique selon lequel les parasites manipulateurs ne peuvent pas maximiser à la fois leur effort de reproduction et de manipulation.
Les chercheurs ont mis en évidence une relation négative entre la durée de la période de gardiennage du cocon par la coccinelle et la fécondité de la guêpe. Tout se passe comme si la larve de guêpe devait «choisir» entre utiliser les ressources de la coccinelle pour fabriquer des œufs (qui seront disponibles à l’âge adulte) ou plutôt investir les ressources de la coccinelle en « jours de protection», en ne l’épuisant pas trop et en la maintenant en vie.
Enfin, les chercheurs ont eu la surprise de constater qu’environ 25 % des coccinelles manipulées recouvrent un comportement normal après l’émergence de la guêpe adulte. C’est un cas très rare de manipulation de comportement réversible.
Références :
The cost of a bodyguard – Fanny Maure2, Jacques Brodeur2, Nicolas Ponlet1, Josée Doyon2, Annabelle Firlej2, Eric Elguero1 and Frédéric Thomas1 – in Biology Letters (2011), 00, 1-4
1 Laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (CNRS/IRD/Universités Montpellier 1 et2), Montpellier, France
2 Fanny Maure, Jacques Brodeur, Josée Doyon, Annabelle Firjel : Institut de recherche en biologie végétale, Université de Montréal (Québec), Canada
Source : communiqué de presse du CNRS
Jadwiga Patiny dit
Bonjour,
Nous avons trouvé dans notre jardin (près du Lac Léman) une guêpe qui avait l’air malade. Elle bougeait à peine et s’est laissé facilement attraper. Sur l’abdomen, entre les segments de son carapace il y avait comme des petites boules noires, diamètre env. 1 mm ou un peu moins. Il y en avait une dizaine, je dirais, mais nous ne les avons pas comptés. Nous avons observé l’insect par une lunette binoculaire, puis nous avons essayé d’extraire ces petites boules. Ce que nous avons réussi finalement en disséquant la pauvre bête. En fait, ces boules noires c’étaient juste des extrémités des petits vers jaunes de quelques 4 mm de longueur qui ressemblaient… aux larves d’une guêpe (comme celle qui sort de l’abdomen d’une coccinelle sur la photo publiée dans l’article « Parasitisme : comment une guêpe utilise une coccinelle comme « garde du corps » ») !
Pourriez-vous me dire qu’est ce que c’était? Des parasites de guêpe, je présume, mais je n’ai rien trouvé sur ce sujet. Ou peut-être a-t-il des guêpes qui portent leur progéniture comme ça sur leur abdomen? Mais nous avons vraiment l’impression que ces vers étaient en train de dévorer la guêpe.
Merci d’avance pour des infos à ce sujet !
Meilleures salutations
Jadwiga Patiny