Un consortium de chercheurs, notamment du CNRS, du CEA, de l’Inra et des Universités de la Méditerranée, de Paris-Sud, Toulouse et Grenoble 1, ont réalisé l’analyse du génome de la bactérie Ramlibacter tataouinensis TTB310, appelée aussi « bactérie du désert ». Le décryptage de son génome a révélé la présence du gène kaiC, un gène dont la fonction était jusqu’alors connue uniquement chez certaines bactéries photosynthétiques. Chez ces dernières, kaiC est responsable d’un mécanisme d’horloge moléculaire qui régule leur cycle cellulaire, en fonction du jour et de la nuit : on parle de rythme circadien endogène(1). Les résultats de cette étude suggèrent également que ce gène permettrait à la « bactérie du désert », non-photosynthétique, de caler son cycle cellulaire sur le cycle de l’eau dans les déserts chauds et secs. Cette découverte ouvre la voie à des recherches visant à comprendre le rôle des horloges moléculaires circadiennes dans l’adaptation des bactéries à leur environnement, qu’elles soient photosynthétiques ou non. Ces résultats sont publiés en ligne le 2 septembre par la revue PLoS ONE.
C’est au cours d’études menées sur les bactéries responsables de l’altération de la météorite de Tataouine dans le désert Sud tunisien, que les chercheurs ont réussi à isoler une nouvelle espèce de bactérie non-photosynthétique (Ramlibacter tataouinensis) appartenant au groupe des bétaprotéobactéries(2). La bactérie Ramlibacter tataouinensis TTB310 possède un cycle cellulaire original incluant deux phases : une phase de production de kystes non mobiles résistant à la dessiccation(3), et une phase de production de bâtonnets mobiles responsables de la dissémination. Ainsi, durant la journée, la bactérie Ramlibacter tataouinensis TTB310 bloquerait son cycle cellulaire en phase d’enkystement pour se protéger de la chaleur et de la sécheresse. Et ce n’est qu’à la fin de la nuit, lorsque la rosée apparaît, que la bactérie déclencherait soit la division des kystes soit la deuxième phase de son cycle au cours de laquelle les kystes se divisent pour donner des bâtonnets mobiles qui, une fois la dissémination effectuée, redeviennent des kystes (cf. schéma).
L’analyse du génome de la bactérie Ramlibacter tataouinensis TTB310 a permis, dans un premier temps, de mettre en évidence un gène rarement décrit chez les bactéries non photosynthétiques : il s’agit du gène kaiC. Dans un second temps, cette étude suggère que kaiC possède, chez cette bactérie, une fonction similaire à celle connue chez plusieurs bactéries photosynthétiques. Ce gène fonctionnerait donc comme une horloge moléculaire endogène permettant à Ramlibacter tataouinensis TTB310 de caler son cycle cellulaire sur celui de l’eau dans les déserts chauds et secs. L’analyse du génome de Ramlibacter tataouinensis TTB310 a par ailleurs permis de révéler la présence de gènes en relation avec son cycle cellulaire original, comme par exemple une très grande diversité de voies de transduction des signaux intra- et extracellulaires.
Cette découverte enrichit les connaissances actuelles sur la diversité des cycles cellulaires chez les bactéries, et, dans le cas de Ramlibacter tataouinensis TTB310, sur la fonction de ce cycle cellulaire, en liaison avec l’horloge moléculaire, pour son adaptation aux conditions désertiques.
Notes :
(1) Rythme circadien endogène : rythme biologique se déroulant sur une période de 24 heures environ.
(2) Bétaprotéobactéries : une des cinq sous-classes des protéobactéries (autrefois appelées bactéries à gram négatif)
(3) Dessiccation : c’est un procédé de déshydratation visant à éliminer autant d’eau que possible.
Références :
The cyst-dividing bacterium Ramlibacter tataouinensis TTB310 genome reveals a well-stocked toolbox for adaptation to a desert environment. Gilles De Luca, Mohamed Barakat, Philippe Ortet, Sylvain Fochesato, Cécile Jourlin-Castelli, Mireille Ansaldi, Béatrice Py, Gwennaele Fichant, Pedro M. Coutinho, Romé Voulhoux, Olivier Bastien, Eric Maréchal, Bernard Henrissat, Yves Quentin, Philippe Noirot, Alain Filloux, Vincent Méjean, Michael S. DuBow, Frédéric Barras, Valérie Barbe, Jean Weissenbach, Irina Mihalcescu, André Verméglio, Wafa Achouak, Thierry Heulin, PLoS ONE, online, Sep/02/2011.
Source : communiqué de presse du CNRS
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