Une découverte aux retombées importantes pour la recherche médicale et évolutionniste
Une équipe de chercheurs a découvert qu’en moyenne, chaque parent transmet trente mutations à ses enfants, ce qui modifie les estimations antérieures et remet en question l’échelle de temps que nous utilisions pour calculer le nombre de générations qui nous séparent d’autres espèces. « Notre génome est constitué de près de six milliards d’éléments d’information appelés nucléotides, explique Philip Awadalla, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, directeur de CARTaGENE et principal coauteur de cette étude. Chaque parent fournit trois milliards de nucléotides et sur la base d’études évolutionnaires indirectes, nous avions évalué que les parents transmettaient en moyenne 100 à 200 erreurs dans ces éléments d’information à leur enfant. L’étude génétique que nous venons de mener, première du genre en la matière, révèle qu’en réalité, ces erreurs ou mutations sont beaucoup moins nombreuses qu’on ne le pensait jusqu’alors. » Le professeur Awadalla a publié les résultats de cette étude, qu’il a menée avec du Wellcome Trust Sanger Institute, dans la revue Nature Genetics le 12 juin 2011.
Puisque les mutations jouent un rôle clé dans le processus évolutionnaire, les généticiens vont devoir réviser le nombre de générations qui nous séparent des espèces qui nous sont génétiquement apparentées, comme les grands singes. « En principe, l’évolution est trente pour cent moins rapide que ce qu’on ne le pensait », explique le professeur Awadalla. Les chercheurs ont fait cette découverte en étudiant le génome complet de deux familles composées d’une mère, d’un père et de leur enfant. Les résultats ont permis à l’équipe de déterminer si les hommes transmettaient plus de mutations à leur descendance que les femmes. Puisque les erreurs surviennent pendant la division cellulaire et la réplication de l’ADN et que les hommes produisent plus de gamètes (spermatozoïdes) que les femmes (ovules), la théorie voudrait qu’un plus grand nombre de mutations proviennent des hommes que des femmes. Dans une des familles qu’ils ont étudiées, les hommes ont transmis six fois plus d’erreurs génétiques à leurs enfants.
Toutefois, cette recherche a également montré d’importantes variations entre les familles. « Dans une des familles étudiées, nous avons constaté que le nombre de mutations d’origine masculine était inférieur à celles d’origine féminine, explique le professeur Awadalla. Cela ne signifie pas que la théorie soit caduque, mais simplement que le taux de mutations est extrêmement variable d’une personne à l’autre ou même que certaines personnes possèdent des mécanismes qui réduisent la probabilité de mutations. » Le chercheur fait également remarquer que ces résultats auront des conséquences importantes sur la recherche qui tente de lier des mutations génétiques spécifiques à certaines maladies.
Les chercheurs devront entreprendre d’autres études sur un plus grand nombre de familles pour mieux comprendre la variabilité du taux de mutations individuel. « Nous devons aussi nous intéresser à d’autres types de mutations, comme les variations structurelles dans notre génome », explique le professeur.
Cette recherche a été financée par le Wellcome Trust, Génome Québec et le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec.
À propos de l’étude
Conrad DF et al. (2011) « Variation in genome-wide mutation rates within and between human families.» Nature Genetics, publiée en ligne le 12 juin 2011. doi:1038/ng.856
À propos de Philip Awadalla
- Professeur agrégé, Département de pédiatrie, Faculté de médecine, Université de Montréal
- Chercheur, Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire Ste-Justine
- Directeur, Projet CARTaGENE
Liens :
Laboratoire de Philip Awadalla :
http://www.philip-awadallalab.org/index.html
Projet Cartagene :
http://www.cartagene.qc.ca/
Faculté de médecine de l’Université de Montréal :
http://www.med.umontreal.ca/
Centre de recherche du Centre universitaire hospitalier Saint-Justine :
http://www.chu-sainte-justine.org/recherche/
Wellcome Trust Sanger Institute:
http://www.sanger.ac.uk
Source : William Raillant-Clark – Université de Montréal
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