Pour le tir à la carabine, des lentilles grossissantes. Pour le ski alpin et le ski de fond, un simple attelage qui permet d’être assis sur les skis. Ou sur les patins, comme au hockey sur luge.
On aurait tort de croire que toutes les technologies utilisées dans les Jeux paralympiques sortent de laboratoires dignes des films de science-fiction. Par exemple, au curling en fauteuil roulant, la « technologie » recommandée au Canada se limite à deux choix de bâtons pour pousser la pierre, The Adjuster et The Extender (littéralement : l’étireur). Ces bâtons ont été conçus d’abord pour des joueurs du troisième âge, comme en témoigne le slogan : « l’étireur est conçu pour vous aider à étirer votre vie au curling ».
Mais peut-être que le curling n’est pas le meilleur exemple, lui qui était raillé aux Olympiques par Pierre Foglia, parce qu’une des membres de l’équipe canadienne était… enceinte de six mois! Le curling, écrivait-il, « un sport que l’on peut pratiquer au plus haut niveau tant qu’on n’est pas mort ».
Que dire alors du saut en hauteur? Aux Paralympiques d’été 2004, c’est nulle autre que l’Agence spatiale européenne qui était fière d’annoncer que la prothèse du champion du monde Wojtek Czyz était faite d’un matériau conçu pour l’espace. Ne commence-t-on pas à parler d’un avantage indu sur les autres athlètes?
« Les produits actuels servent à rendre une vie normale à des personnes amputées, mais nous arrivons effectivement à un point de l’histoire où la question se pose », selon Hugh Herr, directeur du groupe de biomécanique au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
La question reste en l’air depuis l’affaire Oscar Pistorius : amputé des deux jambes à la naissance, cet athlète sud-africain voulait participer aux Olympiques 2008 — pas les Paralympiques. La Fédération internationale d’athlétisme s’y était opposée, alléguant que les lames en fibre de carbone qui remplacent ses jambes lui procurent un avantage sur les autres athlètes, en « restituant mieux l’énergie ». Le Tribunal arbitral du sport a annulé cette décision, mais Pistorius n’a finalement pas réussi à se qualifier.
Et même ce type de prothèses ne représente qu’une première étape. Des laboratoires à travers le monde testent actuellement des genoux électroniques commandés par une puce, des rétines artificielles (à quand un zoom pour les tireurs?), des mains (iLamb) et des pieds (iWalk) capables de traiter en une fraction de seconde des informations comme l’inclinaison du sol, la pluie ou la fatigue, puis de les traduire en mouvements.
L’homme et la femme bioniques aux Paralympiques? Et pourquoi pas aux Jeux Olympiques : cela pourrait être la réponse aux prières de ceux qui rêvent, depuis la création des Paralympiques en 1988, que ceux-ci ne soient fusionnés avec les Olympiques.
Hugh Herr du MIT est doublement célèbre dans cette communauté des chercheurs parce qu’il est lui aussi handicapé : il a perdu ses deux jambes à 17 ans, et a commencé par développer ses propres prothèses dans le but de poursuivre sa passion, l’alpinisme. Il a souvent dit que « les sports les plus intéressants sont ceux qui voient une interaction entre une technologie et la biologie d’un athlète ».
Il faut rappeler que ces recherches ne concernent pas que le sport : l’armée américaine contribue depuis des décennies au financement de travaux sur des prothèses plus efficaces, plus légères, plus confortables, au bénéfice de ses soldats revenus amputés de la guerre. L’un d’eux, Juan Arredondo, est devenu en 2007 le premier soldat à recevoir un iLimb, une main artificielle dont les doigts bougent par l’intermédiaire d’électrodes qui captent les signaux nerveux à la surface de la peau.
Sauf que de telles recherches ont toujours eu pour but de réparer. Depuis peu, on a l’impression d’approcher du moment où on pourra améliorer.
C’est la même idée qu’a eue le golfeur Tiger Woods, lui qui a remplacé ses verres de contact par une opération de chirurgie laser qui lui aurait donné, dit-on, une meilleure vue. Mais les recherches de pointe voient désormais beaucoup plus loin : la convergence de l’informatique et des matériaux de l’ère spatiale permet pour la première fois d’envisager sérieusement un athlète plus « performant ». Et la réflexion éthique court loin derrière…
Source : Pascal Lapointe – ASP
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