Joost van Meerwijk, professeur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, chef d’équipe au Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (UMR 1043 Inserm / UPS / CNRS) en collaboration avec Pr. Hamish S. Scott (Adelaide, Australie) vient de mettre en évidence que la sélection précoce, dans le thymus, de certains lymphocytes T régulateurs spécifiques (lymphocytes T CD8+) joue un rôle fondamental dans la capacité de ces lymphocytes à prévenir des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Ces travaux, soutenus par l’Association François Aupetit et l’Association pour la Recherche sur le Cancer, viennent d’être publiés dans les PNAS.
L’appareil digestif pose un problème particulier pour le système immunitaire : comment tolérer les constituants inoffensifs du tube digestif (la flore et les nutriments) tout en protégeant l’organisme contre des infections par des micro-organismes pathogènes ? En absence d’une telle tolérance, une inflammation chronique de l’intestin, trouvée chez les patients atteints de MICI, se développe.
En 2006, l’équipe avait montré le rôle important d’une population de lymphocytes régulateurs relativement peu étudiée (lymphocytes T CD8+) dans la prévention de l’inflammation intestinale (Gastroenterology 131, 1775-1785).
La publication parue cette semaine met en évidence le rôle majeur du facteur de transcription « AIRE » dans la prévention, par les lymphocytes T régulateurs CD8+, de l’inflammation intestinale dans un modèle expérimental. Ce facteur active l’expression des antigènes des tissus (intestin, pancréas, foie, etc.) dans le thymus, lieu de développement et de différenciation des lympocytes T. Dans le thymus, les lymphocytes « apprennent » à reconnaître et différencier différents antigènes : les antigènes synonymes de dangers pour l’organisme (agents infectieux, virus, etc) et les antigènes spécifiques de nos tissus, qui ne doivent pas être considérés, eux, comme des éléments à « combattre ».
Pour parvenir à montrer l’implication du facteur AIRE, les chercheurs ont d’abord isolé des lymphocytes T régulateurs chez des souris n’exprimant pas le gène AIRE (souris « knock out »). Ils ont testé leur fonction in vitro et ont observé que ces cellules agissaient de la même façon que les lymphocytes de souris normales ; elles « régulaient » des réponses immunitaires. En absence du facteur AIRE, les lymphocytes T régulateurs d’intérêt conservent donc leur fonction immunosuppressive. En revanche, in vivo ces cellules étaient incapables de prévenir l’inflammation intestinale. En absence d’AIRE, les lymphocytes T régulateurs censés reconnaitre spécifiquement les antigènes intestinaux et réguler par conséquent l’inflammation dans le tube digestif, ne se développent donc pas dans le thymus.
AIRE joue donc un rôle fondamental dans la sélection des lymphocytes T régulateurs pendant leur développement dans le thymus, protégeant ainsi l’organisme contre des pathologies causées par le système immunitaire. L’équipe a donc établi un lien entre la sélection de ces lymphocytes dans le thymus et leur fonction dans l’intestin.
Une piste thérapeutique serait de trouver, sur la base de cette information importante, des moyens d’activer les cellules régulatrices CD8+ et de réduire ainsi l’inflammation dans l’intestin.
L’identification du rôle d’AIRE dans la prévention de l’inflammation chronique de l’intestin pourrait donc concourir au développement de nouvelles approches cliniques pour traiter les MICI.
Références :
“ Autoimmune regulator (AIRE)-deficient CD8+CD28low regulatory T lymphocytes fail to control experimental colitis ”
Céline Pomié a,b,c, Rita Vicente a,b,c,Yirajen Vuddamalay a,b,c, Brita Ardesjö Lundgrend, Mark van der Hoeke,f,
Geneviève Enault a,b,c, Jérémy Kagan a,b,c, Nicolas Fazilleau a,b,c, Hamish S. Scott d,f,g, Paola Romagnoli a,b,c,
and Joost P. M. van Meerwijk a,b,c,h,1
a Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, U1043, Toulouse F-31300, France ; b Centre National de la Recherche Scientifique, U5282, Toulouse F-31300, France ; c Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan, Université Paul Sabatier, Université de Toulouse, Toulouse F-31300, France ; d Department of Molecular Pathology, Centre for Cancer Biology, SA Pathology, Adelaide, South Australia 5000, Australia ; e Adelaide Microarray Centre, SA Pathology, Adelaide, South Australia 5000, Australia ; f School of Molecular and Biomedical Science, University of Adelaide, Adelaide, South Australia 5000, Australia ; g School of Medicine, University of Adelaide, Adelaide, South Australia 5005, Australia ; and h Institut Universitaire de France, Paris F-75000, France.
Proceedings of the National Academy of Sciences,
published ahead of print July 11, 2011, doi:10.1073/pnas.1107136108
Source : communiqué de presse du CNRS
Laisser un commentaire