Une étude établit un parallèle entre le SCI et les autres troubles de la douleur.
Les travaux réalisés dans le cadre d’une étude de recherche universitaire d’envergure ont permis de démontrer des altérations structurales de régions précises du cerveau chez des femmes atteintes du syndrome du côlon irritable (SCI), lequel cause une douleur et un inconfort abdominaux ainsi qu’une diarrhée ou une constipation, ou les deux en alternance.
Fruits d’une collaboration entre l’UCLA et l’Université McGill du Canada, les résultats de cette étude ont été publiés dans le numéro de juillet de la revue scientifique Gastroenterology.
D’après le compte rendu de l’étude, le SCI est associé à une réduction aussi bien qu’à une augmentation de la densité de la matière grise de régions clés du cerveau qui jouent un rôle dans l’attention, la maîtrise des émotions, l’inhibition de la douleur et le traitement de l’information viscérale.
Le SCI touche environ 15 pour cent de la population américaine, principalement des femmes. Jusqu’à présent, le corps médical considérait le SCI comme un syndrome « fonctionnel » du tractus gastro-intestinal, qui apparaît parce que ce dernier ne fonctionne pas adéquatement, plutôt que comme un trouble « organique » accompagné d’altérations structurales d’organes. La majorité des efforts en vue de repérer des altérations structurales ou biochimiques des intestins ont remporté peu de succès. Bien que la physiopathologie du SCI ne soit pas entièrement élucidée, on croit généralement que la maladie résulte d’une interaction dysfonctionnelle entre le cerveau et les intestins.
Cependant, les résultats de cette étude montrent qu’il existe des altérations structurales bien réelles dans le cerveau des personnes atteintes du SCI. Cette découverte place le SCI dans la même classe que les autres troubles de la douleur comme le trouble lombaire, le trouble de l’articulation temporomandibulaire, la migraine et la coxalgie — des troubles en présence desquels les mêmes altérations anatomiques du cerveau ont déjà été observées, en plus d’autres changements. Récemment, les résultats d’une étude plus modeste ont également suggéré l’existence d’une telle association entre le SCI et des altérations structurales du cerveau, mais, jusqu’à présent, aucune étude définitive d’envergure n’avait été réalisée.
« La découverte d’altérations structurales du cerveau, que celles-ci soient la cause ou la conséquence des symptômes gastro-intestinaux, démontre la nature » organique » du SCI et appuie la notion de trouble cérébro-intestinal, a déclaré le Dr Emeran Mayer, chercheur principal de l’étude et professeur de médecine, de physiologie et de psychiatrie à l’école de médecine David Geffen de l’UCLA. En outre, ces résultats détruisent une fois pour toutes la notion voulant que les symptômes du SCI ne soient pas réels, mais seulement » psychosomatiques « . Cela nous permettra de mieux comprendre le SCI, poursuit-il ».
Les chercheurs ont eu recours à des techniques d’imagerie pour examiner et analyser les différences anatomiques du cerveau de 55 patientes atteintes du SCI et de 48 femmes témoins. Les patientes présentaient un SCI modéré installé depuis 1 an à 34 ans (moyenne de 11 ans). Les participantes à l’étude avaient en moyenne 31 ans.
Les chercheurs ont découvert une réduction de même qu’une augmentation de la matière grise dans des régions corticales précises du cerveau.
Malgré l’inclusion d’autres facteurs comme l’anxiété et la dépression dans l’analyse, les chercheurs ont constaté qu’il demeurait des différences entre les régions du cerveau qui jouent un rôle dans les fonctions cognitive et évaluative, y compris les cortex préfrontal et pariétal postérieur ainsi que le lobe postérieur de l’insula, lequel constitue le principal cortex de sensibilité viscérale à recevoir de l’information sensorielle du tractus gastro?intestinal, des patientes atteintes du SCI et celles des témoins.
« Les altérations de la matière grise du lobe postérieur de l’insula sont particulièrement intéressantes puisqu’elles pourraient jouer un rôle dans l’amplification de la douleur centrale chez les patients atteints du SCI, a confié le co-chercheur, M. David A. Seminowicz, Ph. D., du centre de recherche sur la douleur Alan Edwards de l’Université McGill. Cette découverte particulière pourrait mettre en lumière une différence ou une anomalie spécifique du cerveau qui interviendrait dans l’amplification des signaux de douleur que les intestins envoient au cerveau ».
Les réductions de matière grise observées chez les patientes atteintes du SCI ont été constatées dans plusieurs régions du cerveau participant aux processus cérébraux qui régissent la mobilisation attentionnelle, lesquels déterminent sur quoi l’organisme doit tourner son attention. Des réductions ont aussi été observées dans le thalamus et le mésencéphale, y compris la périphérie de l’aqueduc cérébral — une région qui joue un rôle important dans la suppression de la douleur.
Selon M. Seminowicz, « les réductions de la matière grise dans ces régions clés pourraient indiquer l’incapacité du cerveau à inhiber efficacement la réponse à la douleur ».
Les réductions observées de la matière grise se sont révélées uniformes dans les sous-groupes de patientes atteintes du SCI, comme celui des patientes présentant davantage de symptômes associés à la diarrhée qu’à la constipation.
« Nous avons remarqué qu’il y avait une différence entre les altérations structurales du cerveau des patientes qui disaient que leurs symptômes s’exprimaient principalement par de la douleur et celles des patientes qui éprouvaient surtout un inconfort sans douleur, de dire le Dr Mayer, aussi directeur du centre de neurobiologie du stress de l’UCLA. Par contre, nous n’avons observé aucun lien entre le temps écoulé depuis l’apparition du SCI et ces altérations structurales du cerveau. »
Selon le Dr Mayer, les prochaines étapes de la recherche viseront à identifier les gènes responsables de ces altérations structurales du cerveau. Les prochains travaux devront aussi faire appel à une population d’étude élargie afin d’examiner les différences entre les hommes et les femmes et déterminer si les altérations observées dans le cerveau constituent une cause ou une conséquence du SCI.
L’étude a été financée par les National Institutes of Health des États-Unis.
Les autres chercheurs qui ont contribué à l’étude incluent M. Catherine Bushnell, Ph. D., de l’Université McGill et Jennifer B. Labus, Joshua A. Bueller, Kirsten Tillisch et Bruce D. Naliboff, Ph. D., de l’UCLA.
Source: University of California / Université McGill
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