Dans la nature, existe-t-il des exemples de rajeunissement ? Oui : au moment de la reproduction ! Pour la première fois, une équipe du Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard de Lyon 1) est parvenue à visualiser, chez l’organisme modèle C. Elegans, le « rajeunissement » soudain des ovocytes juste avant la fécondation. Publiés dans le journal Aging Cell, ces travaux ouvrent de nouvelles voies pour comprendre le vieillissement et les maladies qui lui sont associées.
Traditionnellement, les études sur le vieillissement comparent des individus âgés à des individus plus jeunes ou bien des individus normaux à des individus à la longévité prouvée(1). Une étude menée par l’équipe d’Hugo Aguilaniu au Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) aborde la question sous un angle conceptuellement nouveau : existe-t-il dans la nature des exemples de rajeunissement ? Eh bien oui : tout simplement au moment de la reproduction ! Les scientifiques ont cherché à expliquer comment les nouveau-nés n’héritent pas des mêmes risques de développer des maladies du vieillissement, par exemple des cancers, que leurs parents plus âgés.
Quels sont les mécanismes génétiques possibles de ce « rajeunissement » ? Les chercheurs ont mené leurs travaux sur un organisme modèle pour les études sur le vieillissement :
C. Elegans. Ce ver nématode est petit, transparent, hermaphrodite, capable de s’autoféconder et de se reproduire très rapidement. Il permet de suivre toutes les étapes de la fécondation dans un même organisme.
Constituant principal de nos cellules, les protéines s’endommagent au cours du temps par oxydation (la carbonylation est notamment un type particulier d’oxydation irréversible) qui peut donc être marqueur du vieillissement. Dans leur étude, les scientifiques ont mis au point une technique pour « visualiser », dans les ovocytes, le taux d’oxydation des protéines dans les cellules. Ils ont d’abord constaté que la lignée germinale (celle des gamètes) est oxydée, éliminant l’idée que la lignée germinale ne vieillit pas. Mais surtout, ils ont montré que, à un stade précis de maturation des ovocytes, le taux d’oxydation diminuait soudainement. Comment ? Les chercheurs ont mis en évidence le rôle du protéasome(2) (qui sert à dégrader les protéines) dans ce processus. Lorsque celui-ci est inhibé, on observe peu, voire pas du tout, de « rajeunissement » cela entraînant alors la stérilité des individus. Au cours de la reproduction, il y aurait donc un « nettoyage » des protéines de nos cellules afin de les rajeunir pour faire des bébés jeunes et frais.
Cette étude ouvre la porte à plusieurs questions biologiques fascinantes : que doit-on hériter de ses parents ? Et, au contraire, que ne doit-on pas hériter de ses parents ? Comment arrivons nous, à chaque fois que nous nous reproduisons, à réduire l’incidence des maladies du vieillissement (cancer, neuro-dégéneration, etc…) ?
Notes :
(1) On dit aussi « longévifs » : vivant longtemps. Sans aucune manipulation génétique, il est possible d’obtenir en laboratoire des individus longévifs (vers, souris etc.) en leur imposant notamment des restrictions caloriques.
(2) Le protéasome est un complexe enzymatique responsable de la dégradation ciblée des protéines mal repliées, dénaturées ou obsolètes pour la cellule.
Références :
Carbonylated Proteins are Eliminated During Reproduction in C. elegans, Jérôme Goudeau and Hugo Aguilaniu, Aging Cell, Volume 9, Issue 6, pages 991-1003, December 2010
Site Internet du LBMC : www.ens-lyon.fr/LBMC/
Source: communiqué de presse du CNRS
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