Vingt pour cent de toutes les espèces de lézards pourraient avoir disparu en 2080 annoncent des chercheurs
Pour de nombreux lézards, le changement climatique de la planète est une question de vie ou de mort. Après avoir surveillé pendant des décennies les populations de lézards au Mexique, une équipe internationale de chercheurs a trouvé que l’augmentation des températures avait provoqué la disparition de 12 pour cent de la population des lézards du pays. Une modélisation de l’extinction faite à partir de cette découverte prévoit aussi un sombre avenir pour ces animaux importants du point de vue écologique, avec 20 pour cent de toutes les espèces de lézards qui pourraient avoir disparu en 2080.
Le suivi détaillé des populations de lézards au Mexique effectué sur plus de 200 sites différents indique que les températures dans ces endroits ont changé trop rapidement pour les lézards. Il semble que tous les types de lézards soient bien plus sensibles que ce que l’on pensait à une extinction causée par un réchauffement du climat parce que nombre de leurs espèces vivent déjà au bord de leur limite thermique, notamment dans les zones de basses altitudes et de faibles latitudes.
Bien que les prédictions faites par les chercheurs pour 2080 puissent encore changer si les hommes arrivent à ralentir le réchauffement climatique, il s’avère que les lézards ont déjà franchi un seuil pour leur extinction et que leur fort déclin va se poursuivre dans les prochaines décennies.
Barry Sinervo du Département d’Ecologie et de Biologie évolutionniste de l’Université de Californie à Santa Cruz, est arrivé à ces conclusions avec des collègues du monde entier après avoir comparé leurs études de terrain sur les lézards au Mexique avec nombre de données recueillies sur toute la planète. Leur étude sera publié dans le numéro du 14 mai de la revue Science, publiée par l’AAAS, société scientifique à but non lucratif. Après avoir compilé les données de terrain mondiales, Sinervo et ses collègues ont étudiés les effets de la hausse des températures sur le corps des lézards et créé un modèle des risques d’extinction pour diverses espèces de lézards du monde entier. Leur modèle a prédit avec précision les endroits précis sur le globe où des populations de lézards ont récemment disparu et il pourrait à l’avenir renseigner les chercheurs sur la manière dont les extinctions vont se poursuivre.
« A quelle vitesse les lézards s’adaptent-ils à la hausse des températures sur le globe ? C’est la question qui importe » note Sinervo. « Nous voyons actuellement des espèces de faible altitude migrer vers les hauteurs, une lente extinction de celles en altitude, et si elles n’arrivent pas à évoluer plus vite elles vont continuer de disparaître. »
Selon le modèle global mis au point par les chercheurs, produit avec les tendances actuelles des émissions de dioxyde de carbone dues à l’activité humaine, environ six pour cent des lézards sont voués à disparaître avant 2050. Comme le dioxyde de carbone reste dans l’atmosphère pendant des décennies, les chercheurs estiment que ce chiffre ne peut plus être évité. En revanche, de sérieux efforts globaux pour réduire ce gaz dans l’atmosphère pourraient selon eux écarter le scénario de 2080 où 20 pour cent des espèces de lézards auront alors disparu de la planète.
L’étude détaillée montre en particulier que les lézards qui portent leurs petits présentent des risques plus élevés d’extinction comparés à ceux qui pondent des oeufs. « Ces animaux ont un risque près de deux fois plus important de disparaître parce qu’ils ont acquis des températures corporelles plus basses » précise Sinervo. « Nous les voyons littéralement disparaître sous nos yeux. »
Sinervo a commencé à s’intéresser à la disparition des lézards après avoir remarqué une évolution évidente au cours d’un travail de terrain en France. Il a détecté cette tendance inquiétante à disparaître des lézards en compagnie de chercheurs français, Jean Clobert et Benoît Heulin, lors du suivi de populations déjà bien étudiées. Troublés par leur découverte, ils ont contacté des collègues du monde entier, Jack Sites et Donald Miles aux États-Unis, Fausto Méndez-de-la-Cruz au Mexique et Carlos Frederico Duarte Rocha au Brésil, ce qui lancé une collaboration globale.
« Ce travail est un bel exemple de science interdisciplinaire et de collaboration internationale, utilisant des méthodes et des données de toute une gamme de disciplines scientifiques pour améliorer la confiance dans la prédiction des effets biologiques du changement climatique actuel. Il montre notamment combien les relevés et la recherche sur le long terme sont cruciaux pour comprendre les changements écologiques » ajoute Andrew Sugden, rédacteur en chef pour l’international à Science.
« Nous n’aurions jamais pu faire cela sans certains outils gratuits en ligne tels que Google Scholar et Google Earth » note Sinervo. « Cela nous a pris un certain temps pour définir les termes de recherche appropriés. Mais une fois cela réalisé, nous sommes tombés sur des études clé. J’ai été surpris de la rapidité avec laquelle les chercheurs ont commencé à nous envoyer leur données… C’est pourtant ce qui s’est produit : lorsque des scientifiques voient un problème, avec des données mondiales à l’appui, ils se regroupent ».
Pour affiner leur modèle avec cette surprenante source de données mondiales, Sinervo et ses collègues ont utilisé un petit appareil électronique qui mime la température corporelle d’un lézard s’exposant au soleil. Ils ont placé de tels appareils thermiques pendant quatre mois dans des endroits ensoleillés où les lézards sont encore nombreux et d’autres où ils ont presque disparu.
« Il y a des moments dans la journée où les lézards ne peuvent sortir et doivent se replier vers des endroits plus frais » indique Sinervo. « Lorsqu’ils ne sont pas dehors, les lézards ne sont pas non plus en quête de nourriture. Nous avons donc évalué combien d’heures dans la journée les lézards pouvaient être refoulés par le soleil à différents endroits. Puis nous avons pu paramétrer notre modèle global. » Pour les auteurs de l’étude, qui militent pour une vraie reconnaissance de ces lézards et de l’importance de leur rôle dans le réseau alimentaire du globe, ces découvertes sont à la fois « navrantes et écoeurantes ». Pourtant, disent-ils, il reste un espoir pour les lézards sur Terre.
« Si les gouvernements du monde entier peuvent mettre en oeuvre un changement concerté pour limiter nos émissions de dioxyde de carbone, alors nous pourrons infléchir la courbe et maintenir un niveau d’extinction égal à celui du scénario de 2050 » conclut Sinervo. « Mais il faut pour cela un effort mondial… Je ne veux pas dire un jour à mes enfants que nous avons eu une chance de sauver ces lézards mais que nous ne l’avons pas fait. Je ferai de mon mieux pour les sauver tant que cela m’est possible ».
Source: EurekAlert
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