Une étude importante et qui fera date, publiée aujourd’hui par le Collège Européen de Neuropsychopharmacologie (ECNP), présente la situation de la santé mentale et neurologique en Europe sous un jour nouveau. Les résultats de l’étude indiquent que les maladies mentales sont devenues l’enjeu de santé majeur de l’Europe au 21ème siècle. L’étude souligne également que la majorité des maladies mentales restent sans traitement. Ajoutées au nombre considérable et croissant de ‘troubles du cerveau’, l’ampleur et le fardeau véritables sont même nettement plus importants.
Cette étude multiméthodes triennale, publiée aujourd’hui dans European Neuropsychopharmacology porte sur 30 pays (l’Union européenne plus la Suisse, l’Islande et la Norvège) et sur une population de 514 millions d’individus. Sont répertoriées dans cette étude toutes les maladies mentales majeures des enfants et adolescents (2 à 17), des adultes (18 à 65) et des personnes âgées (65+ ans) de même que plusieurs maladies neurologiques. La prise en compte de toute la gamme de maladies dans toutes les tranches d’âge, examinées simultanément dans une même étude, est sans précédent.
Les résultats clés de l’étude sont les suivants:
- Chaque année, 38,2% de la population de l’UE – ou 164,8 millions de personnes – souffrent d’une maladie mentale.
- Les maladies mentales sont répandues dans tous les groupes d’âge et affectent les jeunes autant que les personnes âgées, bien qu’il y ait des différences quant aux diagnostics les plus fréquents.
- Les maladies les plus fréquentes sont les troubles anxieux (14,0%), l’insomnie (7%), la dépression majeure (6,9%), les troubles somatoformes (6,3%), la dépendance d’alcool et de drogues (>4%), le trouble de déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH, 5% chez les jeunes) et la démence (1% chez les personnes âgées de 60 à 65 ans, 30% chez les personnes âgées de 85 ans et plus).
- À part les troubles liés à une substance et le retardement mental, aucune variation significative n’a pu être trouvée selon les cultures ou pays.
- La comparaison avec l’étude précédente de 2005, qui comportait un nombre restreint de 13 diagnostics chez des adultes seulement, ne donne aucune indication d’une augmentation du taux d’ensemble de maladies mentales. Une exception notable concerne la démence en raison de l’augmentation de l’espérance de vie.
- Aucune amélioration n’a pu être constatée quant aux taux notoirement bas de traitement des maladies mentales en comparaison des données de 2005. Ce n’est toujours qu’un tiers de tous les cas qui reçoivent un traitement.
- Les rares personnes recevant un traitement n’y ont accès qu’après des délais considérables de plusieurs années en moyenne et n’ont que rarement accès aux traitements appropriés, conformes à l’état de l’art.
- En plus, de nombreux millions de patients dans les pays de l’UE souffrent de maladies neurologiques telles qu’ictus apoplectique, traumatismes cérébraux, maladie de Parkinson et sclérose en plaqueset ces cas devraient être ajoutés aux estimations ci-dessus.
- Il en résulte que les maladies du cerveau, mesurées en années de vie pondérées par l’invalidité (DALYs – disability-adjusted life years), apportent la contribution la plus grande à la charge de morbidité totale de l’UE, représentant 26,6 % de la morbidité totale et comprenant la gamme complète de toutes les maladies.
- Les quatre pathologies isolées les plus invalidantes (exprimées en DALY) étaient la dépression, les démences, l’abus d’alcool et l’ictus apoplectique.
L’étude a également mis en relief les enjeux critiques pour l’amélioration de la recherche fondamentale et clinique portant sur les maladies mentales et neurologiques dans la région, à savoir:
- La fragmentation des disciplines dans les domaines de la recherche et de la pratique avec des différences quant aux concepts, aux approches et aux systèmes de diagnostic.
- La marginalisation et la stigmatisation de nombreuses maladies du cerveau.
- L’absence de sensibilisation du public au sujet de l’ensemble des maladies du cerveau et du fardeau qu’elles représentent pour la société.
L’étude arrive à la conclusion qu’ «une action concertée prioritaire est nécessaire à tous les niveaux, y compris une augmentation substantielle du financement dans les domaines de la recherche fondamentale et clinique comme dans celui de la santé publique afin d’identifier de meilleures stratégies pour l’amélioration de la prévention et du traitement des maladies du cerveau, considérées comme le problème de santé crucial du 21ème siècle.»
Hans-Ulrich Wittchen, principal expert et premier coauteur, dit: «Pour relever ce défi, nous devons faire face à deux considérations de haute priorité. Premièrement, il faut combler la lacune thérapeutique énorme attestée dans le domaine des maladies mentales. Étant donné que les maladies mentales s’installent fréquemment tôt dans la vie des patients, elles ont un impact néfaste sur leur vie ultérieure. Nous devons reconnaître que seulement un traitement ciblé précoce des jeunes permettra de prévenir efficacement le risque d’un nombre de plus en plus élevé de patients gravement malades et multimorbides à l’avenir.»
«Deuxièmement, nous devons tenir compte simultanément des voies développementales des maladies mentales et neurologiques. Les deux groupes de pathologies ont en commun de nombreux mécanismes et présentent des effets de réciprocité mutuelle. Seulement une approche commune des deux disciplines, recouvrant l’ensemble des maladies du cerveau dans le courant d’une vie, mènera à une meilleure compréhension des causes et à une amélioration des traitements.»
«Les faibles niveaux de sensibilisation et de connaissances par rapport aux maladies du cerveau, leur prévalence et le fardeau qu’elles représentent, sont un obstacle majeur à tout progrès dans cette direction. Une augmentation dramatique des fonds consacrés à la recherche des causes et du traitement des maladies du cerveau est nécessaire pour atteindre cet objectif. Enfin, une meilleure répartition des ressources thérapeutiques ainsi que des prestations améliorées quant à la prise en charge sont des sujets prioritaires pour l’avenir immédiat.»
Source : Sonja Mak – European College of Neuropsychopharmacology
Laisser un commentaire