Une équipe internationale composée de chercheurs de l’Institut für Biologie (Freie Universität, Berlin), du CEA (IG/Genoscope – Évry), du CNRS, de l’Université d’Evry, de la Katholieke Universiteit (Leuven) et de la société Heurisko (États-Unis) a, pour la première fois, réussi à concevoir une bactérie viable dans laquelle une des quatre bases de l’ADN a été remplacée par un composé analogue synthétique. A terme, la bactérie ainsi obtenue présenterait l’avantage de dépendre de ce composé, absent dans la nature, et ne pourrait ni entrer en compétition, ni échanger de matériel génétique avec les organismes sauvages.
Ce résultat fait l’objet d’une publication intitulée Chemical evolution of a bacterium’s genome dans la revue Angewandte Chemie International Edition du 25 juillet 2011.
Les chercheurs ont mis en œuvre une technologie originale, développée par Ph. Marlière et R. Mutzel, qui permet l’évolution dirigée d’organismes dans des conditions strictement contrôlées. Il s’agit d’un dispositif de culture automatisée de cellules (cf. photo ci-dessous) dans lequel de larges populations de bactéries sont cultivées, de façon prolongée, en présence d’un composé chimique toxique à des concentrations sub-létales(1). Ces conditions de cultures entraînent alors la sélection de variants génétiques tolérant des concentrations plus élevées de ce composé toxique. En réponse à l’apparition de ces variants dans la population cellulaire, le dispositif automatisé adapte la composition du milieu de culture pour imposer une pression de sélection constante.
Ce changement radical dans la composition chimique d’un organisme vivant présente un grand intérêt pour la recherche fondamentale. De plus, comme l’explique Ph. Marlière, « ces travaux constituent une avancée importante de la xénobiologie, une branche émergente de la biologie synthétique ». Cette discipline récente des sciences de la vie a pour objectif la conception d’organismes non naturels dotés de capacités métaboliques optimisées pour l’élaboration de modes alternatifs de synthèse. Ces derniers devraient permettre la production de composés chimiques d’intérêt, notamment dans le domaine de l’énergie. Dans cette perspective, les organismes synthétiques, comme ceux sélectionnés ici, présenteraient l’avantage de dépendre, pour la constitution de leur matériel génétique et leur prolifération, uniquement de composés absents dans les milieux naturels. A terme, ils ne pourront ainsi ni entrer en compétition, ni échanger de matériel génétique avec les organismes sauvages et sont voués à disparaître en absence du xénobiotique dont ils dépendent.
Notes :
(1) Sub-létale : inférieure à la concentration provoquant la mort
Références :
Chemical Evolution of a Bacterium’s Genome
Philippe Marlière, Julien Patrouix, Volker Döring, Piet Herdewijn, Sabine Tricot,
Stéphane Cruveiller, Madeleine Bouzon, and Rupert Mutzel. Angew. Chem. Int. ed. 2011 Jul 25;50(31):7109-14. doi: 10.1002/anie.201100535
Source : communiqué de presse du CNRS
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