Le phytoplancton calcaire, maillon important du cycle du carbone océanique, apparaît très sensible à l’acidification océanique. Une étude internationale impliquant notamment des chercheurs du CNRS(1) montre que la sécrétion du squelette calcaire d’une espèce de microalgues : les coccolithophores, diminue quand les eaux marines deviennent plus acides, mais certaines souches hyper-calcifiées se sont adaptées aux milieux les plus corrosifs. Leurs résultats sont publiés le 4 août 2011 dans la revue Nature.
Un tiers du dioxyde de carbone atmosphérique qui est absorbé par les océans se transforme en ions acidifiant les eaux marines. Des milliards de cellules microscopiques calcifient à la surface de l’océan et régulent ainsi les flux de carbone dans les grands cycles biogéochimiques. Parmi les plus abondantes, les coccolithophores produisent une grande part de la masse sédimentaire marine due à l’accumulation post-mortem de leur micro-squelette composée de petites plaques calcaires, appelées coccolithes. La réaction des coccolithophores à l’acidification n’avait jamais été étudiée dans leur élément naturel à l’échelle planétaire. Une nouvelle approche permet de comprendre la manière dont ces organismes réagissent à l’acidification de l’océan à partir d’observations océaniques.
Pour la première fois, l’équipe internationale de chercheurs a étudié ce comportement en milieu naturel sur la base d’une large collection d’échantillons de coccolithes et d’eau de mer provenant de différents océans et de sédiments permettant de documenter les changements de calcification au cours des derniers 40 000 ans. Grâce à des techniques originales de reconnaissance automatique d’espèces en microscopie et de morphométrie(2) développées au CEREGE(1), le poids (quelques picogrammes, soit un millième de milliardième de gramme) de chacune du demi-million de plaques calcaires mesurées dans cette étude, a été mis en relation avec la chimie de l’eau par l’équipe du LOCEAN(1) à Paris et de l’université de Perpignan. Les résultats montrent qu’en général les coccolithophores calcifient moins quand les eaux sont pauvres en carbonates (et donc plus acides). Cette étude tend donc à démontrer que comme les coraux, le phytoplancton calcaire pourrait subir de forts changements dans les prochaines décennies si l’acidification des océans s’accélère.
Toutefois, cette étude a aussi permis d’observer une exception importante dans les zones côtières au large du Chili : là, dans les eaux les plus « acides » de l’océan actuel (pH de 7,6 à 7,9), des coccolithes très calcifiés ont été observés contrairement à la tendance générale. Les analyses génétiques menées à la Station Biologique de Roscoff(1), montrent que les souches de coccolithophores de cette région, sont différentes de celles observées dans d’autres secteurs océaniques. Il semble donc que des coccolithes ont réussi à s’adapter naturellement à un environnement peu favorable à leur calcification. La capacité d’adaptation de ce groupe au large du Chili dans des eaux acidifiées reste encore inconnue. Cela ne préjuge pas d’une adaptation des autres groupes de coccolithophores à l’acidification des océans dans le contexte d’un accroissement futur de CO2 atmosphérique et océanique.
Notes :
(1)Les laboratoires impliqués sont :
-Le Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE, CNRS/Université Paul Cézanne-Aix Marseille 3/Université de Provence-Aix Marseille 1/IRD/Collège de France)
-Le Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN, CNRS/UPMC/IRD/MNHN)
-La station biologique de Roscoff (CNRS/UPMC)
Ainsi que l’université de Perpignan
(2)La morphométrie est l’étude et l’analyse de la géométrie d’objets
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet Européen EPOCA (European Project on OCean Acidification).
Références :
Sensitivity of coccolithophores to carbonate chemistry and ocean acidification, L. Beaufort, I. Probert, T. de Garidel-Thoron, E. M. Bendif, D. Ruiz-Pino, N. Metzl, C. Goyet, N. Buchet, P. Coupel, M. Grelaud, B. Rost, R. E. M. Rickaby et C. de Vargas, Nature, 04 août 2011.
Source : communiqué de presse du CNRS
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