Une étude portant sur 1,7 million de nouveau-nés suggère une augmentation des cas d’hypothyroïdie congénitale entièrement imputable à des artefacts
MONTREAL, le 19 juillet 2011 – Dans la foulée de rapports récents publiés aux États-Unis indiquant une augmentation de l’incidence de l’hypothyroïdie congénitale, une nouvelle étude visant à en évaluer l’incidence chez les nouveau-nés québécois suggère que l’augmentation observée est entièrement imputable à des artefacts. L’hypothyroïdie congénitale se caractérise par une production hormonale insuffisante par la glande thyroïde. Elle est la cause la plus fréquente de déficience intellectuelle évitable. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism par le Dr. Johnny Deladoëy, pédiatre-endocrinologue et chercheur en maladies métaboliques et génétiques au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeur assistant de pédiatrie et de biochimie à l’Université de Montréal.
Il se peut que le nombre accru de cas identifiés soit un artefact imputable à une modification des méthodes de dépistage. Le dépistage de cas supplémentaires donne lieu au traitement de certains enfants qui n’en retireraient pas de bienfait. «Des méthodes de dépistage trop sensibles qui repèrent les cas bénins d’hypothyroïdie congénitale détournent manifestement le dépistage néonatal de son objectif initial, lequel consistait à repérer les cas graves pour lesquels les bienfaits d’un traitement étaient clairement documentés», a affirmé le Dr Deladoëy. «Cela pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi, aux États-Unis, plus du tiers des enfants étiquetés comme atteints d’hypothyroïdie congénitale à la suite d’un dépistage néonatal ne reçoivent plus de traitement à partir de l’âge de quatre ans».
L’absence de consensus concernant les seuils sur lesquels se baser pour dépister l’hypothyroïdie congénitale a toujours posé un défi. Le Québec est le pionnier du dépistage universel de l’hypothyroïdie congénitale chez les nouveau-nés, étant la première juridiction dans le monde à avoir mis en œuvre un tel programme en 1973. Les stratégies et les méthodes du Québec ont fait leur preuve. Elles produisent des résultats fiables et peuvent servir de modèle dans la standardisation du dépistage et du diagnostic de l’hypothyroïdie congénitale partout dans le monde. Grâce à un taux de participation de plus de 90 % des hôpitaux et des médecins à la base de données provinciale sur une période de 20 ans, il a été possible d’analyser les résultats du dépistage et du diagnostic de 620 cas d’hypothyroïdie congénitale.
Détails de l’étude
En collaboration avec le Programme québécois de dépistage néonatal sanguin, situé au Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), les données historiques du laboratoire de dépistage ont été analysées aux fins de l’étude. Plus précisément, des 1 660 857 nouveau-nés testés sur une période de 20 ans, 620 cas d’hypothyroïdie congénitale ont été dépistés, diagnostiqués et traités. De ce nombre, 49 cas d’hypothyroïdie congénitale ont été dépistés en plus de ceux attendus, en hausse de 18 %, après qu’un seuil de dépistage légèrement plus sensible ait été appliqué sur la deuxième moitié de la période. La plupart de ces cas supplémentaires détectés présentaient de légers troubles fonctionnels, dont les répercussions sur le développement mental demeurent incertaines. Fait notable, le nombre total de cas dépistés serait demeuré stable si le seuil de dépistage appliqué était demeuré le même durant toute la période.
L’étude a été publiée en ligne avant impression le 1er juin 2011 dans la revue scientifique Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism par le Dr Johnny Deladoëy, en collaboration avec le Dr Guy Van Vliet, également du CHU Ste-Justine, et les Drs Jean Ruel et Yves Giguère du Programme de dépistage du CHUQ.
L’étude a été financée par des bourses du Fonds de la recherche en santé du Québec et une bourse de recherche du Programme canadien de cliniciens-chercheurs en santé de l’enfant. Le programme de recherche sur les maladies pédiatriques de la thyroïde du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est soutenu par le Girafonds de la Fondation du CHU Sainte-Justine.
L’hypothyroïdie congénitale
Environ un nouveau-né sur 3 000 est atteint d’hypothyroïdie congénitale. La déficience intellectuelle en est la première conséquence. Elle peut être évitée si un test de dépistage est réalisé sur des échantillons de sang dès les premiers jours suivant la naissance, ce qui permet d’amorcer un traitement de remplacement aux hormones thyroïdiennes durant la deuxième semaine. Le test est considéré comme l’une des percées majeures des dernières décennies en santé publique. Depuis longtemps, il a été mis en œuvre dans tous les pays industrialisés. D’autres études évaluant les bienfaits du traitement des cas bénins et transitoires sont nécessaires afin d’évaluer s’il convient de les dépister et de les traiter.
Source : William Raillant-Clark – Université de Montréal
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