Des chercheurs des universités McGill et de São Paulo identifient une nouvelle espèce de crocodile datant de 70 millions d’années – qui possédait de très grandes dents
Aux yeux du professeur de paléontologie Hans Larsson de l’Université McGill, de son doctorant Felipe Montefeltro et du professeur Max Langer de l’Université de São Paulo, la tête de crocodile fossile découverte récemment ressemble à celle d’un chien. Mais pour la plupart d’entre nous – et pour la proie du jour du croco –, elle ressemble plutôt à un cauchemar féroce tout en dents.
Le fossile nommé Pissarrachampsa sera a été découvert par un employé municipal dans des sédiments crétacés vieux de 70 millions d’années dans une petite ville de l’État du Minas Gerais, au Brésil. Délégués par la Société de paléontologie du Brésil dans le but de vérifier la découverte, MM. Langer et Montefeltro se sont vite rendu compte qu’ils tenaient là quelque chose de très particulier. Les trois collaborateurs ont publié leurs observations dans le numéro de juillet 2011 de PLoS One.
Connaissant bien les travaux de Hans Larsson sur les crocodiles et les dinosaures,
Felipe Montefeltro a reçu une bourse d’études du gouvernement brésilien et a apporté le fossile au laboratoire de Larsson au Musée Redpath de l’Université McGill, où ils l’ont étudié et ont constaté que ce remarquable crocodile terrestre révèle presque autant de choses qu’il en dissimule.
« Alors que les crocodiles amphibiens des temps modernes ont une tête basse et plate, cette découverte nous donne un des premiers aperçus détaillés de l’anatomie de la tête de cet étrange groupe de crocodiles aujourd’hui disparus, nommés Baurusuchia, caractérisés par un crâne semblable à celui du chien, dotés de grandes canines et de corps aux membres longs », a déclaré M. Larsson.
Leur écologie était probablement semblable à celle des chiens sauvages vivant de nos jours. Compte tenu du nombre et de la taille de leurs dents, ces crocodiles carnivores, selon les chercheurs, se nourrissaient d’animaux d’une taille d’environ 15 à 20 pieds – soit des dinosaures ou d’autres crocodiles de la région. Ils jouissaient possiblement d’une vision relativement stéréoscopique pour traquer leur proie et, plutôt que d’avancer tant bien que mal, comme les crocodiles que nous connaissons aujourd’hui, ils galopaient sur leurs membres allongés.
Un croquis dessiné par le professeur Larsson illustre comment cette espèce récemment découverte nous serait apparue en mouvement. Bien que le corps ressemble plus à celui d’un dinosaure qu’à celui du crocodile contemporain, la tête fossilisée offre les caractéristiques définitives des crocodiles de cette époque, y compris les choanes bien développées, les dents fixées à la mâchoire, les espaces d’air à l’avant du crâne, les surfaces osseuses rugueuses, la peau cuirassée et les attaches massives des muscles de fermeture de la mâchoire.
De récents tomodensitogrammes montrent des aspects fascinants du fossile, comme la taille et la forme du cerveau et les capacités d’audition. Les crocodiles Baurisuchidés possèdent un nombre important de caractéristiques anatomiques uniques comme le faible nombre de dents, un crâne haut et mince, des narines pointant vers l’avant et des attaches musculaires axées sur la fermeture de la mâchoire. Après avoir comparé la nouvelle espèce aux autres Baurisuchidés et aux espèces apparentées, les chercheurs ont remarqué de larges cavités de chaque côté de la morphologie du fossile.
« Nous avons affaire à une famille exceptionnellement divergente de crocodiles disparus. Il faudra découvrir encore beaucoup de fossiles pour lier ce crocodile à ceux qui l’ont précédé et à ceux qui l’ont suivi », a déclaré M. Montefeltro.
Felipe Montefeltro a expliqué que le nom du nouveau membre de la famille des crocodiles lui a été donné en l’honneur du lieu de la découverte du fossile. Piçarra est un régionalisme qui signifie « grès » et Champsa est un dérivé latin du mot grec désignant un crocodile. Sera est un mot latin qui signifie « tard » – et fait référence à la fois aux circonstances de la découverte du fossile, c’est?à?dire qu’il a presque été abandonné par une expédition en 2008 en raison d’un calendrier serré, et au drapeau de l’État du Minas Gerais qui cite Virgile : « Libertas Quæ Sera Tamen », qui signifie « Liberté, même tardive ».
Bien que l’importance de l’évolution morphologique des crocodiles soit généralement reconnue, beaucoup d’interrogations concernant les relations internes du groupe demeurent à étudier, que les trois chercheurs se proposent toutefois d’explorer. Une reconstitution numérique de la cavité crânienne du fossile est en voie de réalisation et sera présentée plus tard cet automne lors de l’assemblée annuelle de la Society of Vertebrate Paleontology.
Renseignements supplémentaires
Felipe C. Montefeltro est doctorant de la Faculdade de Filosofia Ciências e Letras de Ribeirão Preto, à l’Université de São Paulo, au Brésil et il travaille sur l’évolution de la morphologie des crocodiles. Il termine ses études dans le cadre d’un programme d’échange au Musée Redpath de l’Université McGill.
Hans C. E. Larsson est professeur agrégé et responsable de la Chaire de recherche du Canada sur la paléontologie des vertébrés, au Musée Redpath de l’Université McGill. Spécialiste de l’évolution de la morphologie des crocodiles, il supervise M. Montefeltro à McGill.
http://www.mcgill.ca/reporter/35/10/newprofs/larsson/
http://www.youtube.com/watch?v=ZP2XQpFOFMg
Expert sur les archosauriens du Brésil, Max C. Langer est professeur à la Faculdade de Filosofia Ciências e Letras de Ribeirão Preto de l’Universidade de São Paulo, où il supervise M. Montefeltro. http://sites.ffclrp.usp.br/paleo/people.htm
Article paru dans PLoS One sous le titre « Un nouveau Baurisuchidé (Crocodyliformes, Mesoeucrocodylia) de la fin du Crétacé au Brésil et la phylogenèse des Baurisuchidés » (traduction) : http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0021916
Musée Redpath de l’Université McGill
http://www.mcgill.ca/redpath/fr
Source : Tamarah Feder – Université McGill
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