Ses résultats suggèrent que moins de bêtes pourraient être sacrifiées à l’avenir
Une nouvelle étude sur la fièvre aphteuse montre que la maladie virale n’est contagieuse pour le bétail que pendant une brève durée, la moitié de ce que l’on pensait. Ce résultat laisse penser que des mesures controversées prises pour contrôler la propagation de la maladie, telles que l’abattage massif de troupeaux, pourraient être réduites.
Cette découverte change aussi pour les scientifiques la manière dont ils appréhendent les maladies infectieuses en général.
« Cette étude montre que ce que nous pensions savoir sur la fièvre aphteuse n’est pas entièrement vrai » commente Mark Woolhouse de l’Université d’Édimbourg, un des co-auteurs de l’étude. « Il pourrait donc en être aussi de même à propos de la grippe chez l’homme ainsi que pour d’autres pathogènes infectieux. »
Ce travail est publié dans le numéro du 6 mai de la revue Science publiée par l’AAAS, la société scientifique à but non lucratif.
La fièvre aphteuse est due à un virus à ARN qui infecte le bétail et cause des lésions sur la langue et les pieds ainsi que des écoulements nasaux. Chaque année, elle est à l’origine de pertes énormes pour l’économie mondiale des troupeaux. Les pays touchés de façon endémique par la maladie dépensent des sommes considérables pour vacciner les bêtes et les éleveurs doivent souvent éliminer une grande partie de leur troupeau pour venir à bout de la maladie dès qu’un premier cas clinique s’est manifesté. En 2001, le Royaume-Uni a connu la plus grosse épidémie qui ait touché un pays développé depuis des décennies. Des millions d’animaux ont dû être sacrifiés et des milliards de livres sterling ont été perdus avant de pouvoir contrôler la maladie.
Dans leur étude, les chercheurs ont fait des expériences pour caractériser le temps précis d’incubation et la période contagieuse de la maladie chez les animaux. Ils ont trouvé que même si le virus est détectable dans le sang, ce qui est le moyen usuel de mesurer la capacité de contagion, cela ne signifie pas pour autant que l’animal puisse transmettre la maladie. En fait, une vache avec le virus ne présente un risque de contagion que pendant 1,7 jour indiquent les chercheurs. Ensuite, la réponse immunitaire intervient et limite la réplication virale.
Bryan Charleston et ses collègues du Laboratoire Pirbright au Royaume-Uni, ainsi que M. Woolhouse, ont infecté des vaches « source » avec le virus puis étudié comment le virus était transmis aux autres vaches non infectées. Leur étude diffère des précédentes sur le sujet car elles n’avaient fait qu’estimer le taux de transmission pour des groupes d’animaux au lieu comme ici pour des individus.
Nous avons réussi à déterminer très spécifiquement la relation existant entre le niveau de contagion possible du virus et les signes cliniques de l’infection chez les animaux » précise M. Woolhouse. « Normalement, nous ne savons qu’une personne ou un animal est infecté qu’à la manifestation des premiers signes cliniques. Mais ce que nous ne savions pas auparavant était le lien entre ces signes et la capacité de transmission du virus. Dans le cas de la fièvre aphteuse, les deux semblent se produire à peu près en même temps. »
Au cours de 28 tentatives d’infecter des vaches saines par le virus de la fièvre aphteuse, faites en plaçant les animaux au contact d’une vache infectée pendant huit heures, les chercheurs n’ont enregistré que huit transmissions du virus. Pour Charleston et ses collègues, cela signifie que la maladie n’est contagieuse que sur une courte durée, environ un demi jour après apparition des premiers signes cliniques.
« Nous savons maintenant qu’il existe une fenêtre où, si le bétail infecté est détecté et retiré à temps du troupeau, il peut ne pas être nécessaire de procéder à des abattages préventifs à proximité immédiate de la ferme infectée. » ajoute Woolhouse. « Nous avons ainsi la nécessité de développer de nouveaux tests pour pouvoir dépister plus tôt les animaux infectés et limiter la propagation de la maladie. »
Ces résultats sont en accord avec l’hypothèse rarement testée que les symptômes de la maladie peuvent être fonctionnellement liés à la capacité de transmettre la maladie.
« Si vous faites des choses comme de mesurer le virus dans le sang, vous ne prenez pas en compte l’état clinique de l’animal » poursuit Woolhouse. « Les gens peuvent s’imaginer que les signes cliniques d’une maladie virale, les symptômes comme un nez qui coule, ont quelque chose à voir avec sa transmission. Mais s’il y a eu beaucoup de discussions intéressantes, il n’y a pas eu beaucoup de vraies études sur le sujet. »
Charleston et son équipe demandent maintenant que soient mis au point des outils pratiques pour diagnostiquer la maladie sur le champ avant l’apparition des signes cliniques. Selon les chercheurs, si le virus pouvait être détecté 24 heures en avance de ces premiers signes chez les animaux, les éleveurs pourraient retirer les animaux infectés avant qu’ils ne transmettent la maladie.
« Pour pouvoir retirer les fruits de cette étude sur le terrain, il va falloir mettre en place des diagnostics pré-cliniques » souligne Woolhouse. « C’est un défi à la fois technique et logistique mais notre travail montre que le bénéfice attendu pourrait être bien plus grand que ce que l’on imaginait. Donc, pour le moins, nous devrions voir comment détecter au plus tôt le virus. »
Les chercheurs avancent aussi que des études similaires pourraient nous en apprendre beaucoup à l’avenir sur d’autres pathogènes chez l’animal comme chez l’homme.
« Nous devons rapidement évaluer d’autres infections » indique Woolhouse. « Tant que nous ne l’avons pas fait, nous ne pouvons évaluer l’efficacité des mesures de contrôle comme la mise en quarantaine des individus, la prophylaxie, les anti-viraux ou l’abattage préventif des troupeaux. »
Le financement de cette étude à été fourni par un projet spécifique lancé par le Biotechnology and Biological Sciences Research Council britannique après la terrible épidémie de fièvre aphteuse de 2001 dans le pays. Les chercheurs impliqués disent que de telles expériences sont vitales pour une meilleure compréhension de la santé publique.
« Si l’on veut prendre des décisions bien informées pour contrôler les maladies infectieuses, il faut détenir les bons indices scientifiques et cette étude en donne un exemple, même si cela n’a pas été facile ou bon marché pour y arriver » conclut Woolhouse. « Par le passé, des approximations avaient été utilisées et elles pouvaient nous induire en erreur. Cette nouvelle recherche indique que nous ne pouvons nous permettre ce genre d’approche. C’est de ce type de travail dont nous avons besoin pour apprendre comment gérer à l’avenir les maladies infectieuses. »
Source: Natasha Pinol – AAAS
Laisser un commentaire