Des chercheurs du CEA(1) , du CNRS(2) et du laboratoire pharmaceutique Ipsen ont récemment montré, en utilisant le synchrotron SOLEIL, qu’il est possible de générer des nanotubes de peptides dont le diamètre est parfaitement contrôlé. Formés par assemblage spontané d’un peptide, le Lanréotide, ces nanotubes sont conditionnés par la structure de cette « brique de base ». En modifiant judicieusement l’un des acides aminés du Lanréotide, les chercheurs ont réussi à obtenir une gamme de 17 nanotubes parfaitement réguliers et de diamètres maîtrisés. Une première qui ouvre de nombreuses perspectives notamment dans la sphère des nanotechnologies. Ces travaux sont publiés en ligne dans la revue PNAS.
Dans le domaine des nanotechnologies, il est important de contrôler la taille des nano-objets, puisque cette taille module les propriétés physiques de ces matériaux. Cependant, les tentatives de contrôle de la taille des architectures par modification de la brique unitaire, rapportées dans la littérature, ont souvent échoué. Adoptant une approche biomimétique, des chercheurs du CEA-iBiTec-S, du CNRS et d’Ipsen se sont intéressés à une petite molécule, le Lanréotide, un octapeptide cyclique(3). Cet analogue d’une hormone naturelle, la Somatostatine, est classiquement utilisé comme médicament. Composé de huit acides aminés, ce peptide possède la propriété de s’assembler dans l’eau en dimères(4), qui s’associent à leur tour pour former des nanotubes de diamètre défini. Ce type de structures auto-assemblées constitue une approche intéressante pour la synthèse de nanomatériaux car dans ces systèmes, la forme et la taille sont principalement conditionnées par la structure des briques de base.
Les chercheurs ont alors supposé que les acides aminés assurant les contacts entre peptides régissaient le rayon de courbure des nanotubes. Ils ont conçu un modèle géométrique qui explique dans quelle mesure une modification de quelques angströms sur la structure de base du peptide influe sur la taille du nanotube. Ce modèle leur permet de rationaliser, voire de prédire, les diamètres des nanotubes ainsi générés. La vérification expérimentale de ce modèle a été faite grâce à la synthèse d’analogues du Lanréotide. Toute la stratégie de cette étude a reposé sur la modification d’un acide aminé impliqué dans un contact entre peptides et sur la démonstration que ce changement entraîne une variation du diamètre des nanotubes de manière contrôlée.
Les chercheurs ont donc synthétisé des analogues du Lanréotide en substituant de manière ciblée un acide aminé par un autre. Ces peptides conservent des propriétés d’assemblage similaires à celles du Lanréotide et forment des nanotubes. La caractérisation de ces architectures, faite par microscopie électronique et diffusion de rayons X au synchrotron SOLEIL(5), démontre que le diamètre de ces nanotubes est effectivement corrélé à la taille de l’acide aminé introduit et qu’un peptide donné forme spontanément des nanotubes d’un seul diamètre. Une gamme de 17 nanotubes allant de 10 à 36 nm de diamètre a ainsi été obtenue en fonction de l’acide aminé incorporé.
L’utilisation en nanotechnologie de ces systèmes auto-assemblés biomimétiques s’appuie sur la possibilité de les utiliser comme moules. En effet, on trouve dans la nature de nombreux exemples dans lesquels des gabarits organiques sont utilisés pour contrôler la croissance de phases inorganiques (os, dent, carapaces, diatomées, etc.). Ainsi, en utilisant ces nanotubes de peptides comme des moules, les chercheurs ont montré qu’il est possible de maîtriser la production de nanotubes de silice de diamètre spécifique, ce qui ouvre la voie à un large panel d’applications en nanotechnologies, comme par exemple les fibres optiques ou la nano-filtration.
Notes :
(1) CEA-iBiTec-S : Institut de Biologie et de Technologies de Saclay, de la Direction des Sciences du vivant du CEA.
(2) Parmi les laboratoires concernés : l’Institut de physique de Rennes (CNRS / université de Rennes 1), l’unité « Interactions cellulaires et moléculaires » (CNRS / université de Rennes 1) et l’unité « Systèmes membranaires, photobiologie, stress et détoxication » (CEA / CNRS).
(3) Octapeptide cyclique : peptide composé de 8 acides aminés liés successivement et formant un anneau.
(4) Dimère : molécule composée de deux sous-unités.
(5) Le synchrotron SOLEIL : cet accélérateur de particules permet d’envoyer des rayons X sur un échantillon et d’en récupérer la lumière diffusée. La forme de la courbe de diffusion renseigne sur les caractéristiques de l’objet.
Références :
Control of peptide nanotube diameter by chemical modifications of an aromatic residue involved in a single close contact. Christophe Tarabout, Stéphane Roux, Frédéric Gobeaux, Nicolas Fay, Emilie Pouget, Christelle Meriadec, Melinda Ligeti, Daniel Thomas, Maarten IJsselstijn, François Besselievre, David-Alexandre Buisson, Jean-Marc Verbavatz, Michel Petitjean, Céline Valéry, Lionel Perrin, Bernard Rousseau, Franck Artzner, Maité Paternostre, Jean-Christophe Cintrat. Proc Natl Acad Sci U S A, online.
Source: communiqué de presse du CNRS
Laisser un commentaire