Quand l’équipe de Marina Glukhova, chercheuse Inserm dans une unité CNRS/Institut Curie « éteint » l’intégrine ?3?1 dans certaines cellules de la glande mammaire, les souris mutantes ne peuvent plus allaiter leurs petits. Explication : l’absence de cette protéine empêche l’activation de la voie de signalisation qui commande les capacités contractiles des cellules. Sans ces capacités, les cellules basales ne peuvent plus expulser le lait. Tout cela se passe dans les cellules basales mammaires que l’on soupçonne d’être à l’origine de certains types de cancer du sein dit « basal-like » et de mauvais pronostic. La voie de signalisation chapeautée par l’intégrine ?3?1 est impliquée pour la première fois dans le dysfonctionnement de la glande mammaire. Reste à découvrir si elle intervient dans d’autres mécanismes, comme la cancérogenèse. Ces résultats sont publiés en ligne dans EMBO Journal.
Le compartiment basal de l’épithélium mammaire semble être le siège des cellules souches et progénitrices qui, d’une part, sont nécessaires pour le développement et le fonctionnement normales de la glande mammaire et, d’autre part, pourraient être à l’origine de certains types du cancer du sein. Longtemps peu étudiées dans la glande mammaire, les cellules basales sont désormais sous les projecteurs des chercheurs.
« Les cellules basales sont en permanence exposées aux signaux issus des régions voisines (matrice extracellulaire sous-jacente et du stroma mammaire) » explique Marina Glukhova. Une fois interprétés, ces signaux vont permettre aux cellules de déterminer leur position et leur rôle dans l’organisme. Ils sont indispensables à la prolifération, à la différenciation, à la morphologie et à la mobilité des cellules. Au niveau des organes, ces signaux assurent le maintien harmonieux de la taille et de la fonction des tissus.
Concrètement, la messagerie est assurée par un type de protéine, les intégrines. Ces protéines transmembranaires ont un « pied » à l’extérieur et un « pied » à l’intérieur des cellules. Elles reçoivent les signaux venus de l’environnement externe (autres cellules, tissus et organes) puis les répercutent au cœur des cellules pour mettre en œuvre le mécanisme voulu.
« Dans les cellules basales, une grande partie des informations transitent par l’intégrine ?3?1 » ajoute Karine Raymond, post-doctorante dans l’équipe. « Nous avons donc supprimé partiellement cette protéine dans les cellules basales de nos modèles animaux » complète-t-elle. Aucune altération dans le développement de la glande mammaire n’est à noter, ni dans la différenciation des cellules épithéliales. En revanche, les souris porteuses de cette altération n’allaitent plus leur progéniture. « La production de lait n’est pas affectée lorsque l’intégrine ?3?1 est altérée ; en revanche, les cellules basales n’expulsent plus le lait produit » explique Karine Raymond.
L’absence de cette protéine empêche l’activation de la voie de signalisation impliquant les protéines Rho et Rac, ce qui entraîne des modifications au niveau de la morphologie des cellules et bloque une partie de leur capacité contractile. En conséquence, les cellules basales ne peuvent plus éjecter le lait. « C’est la première fois que la voie de signalisation « chapeautée » par l’intégrine ?3?1 est impliquée dans un dysfonctionnement de la glande mammaire » continue Karine Raymond. Compte tenu du rôle de « messager» entre l’extérieur et l’intérieur de cette protéine, les chercheurs s’attendent à lui découvrir bien d’autres fonctions. « Il ne faut pas oublier que le cancer est, entre autres, une maladie de la transmission des signaux. Les cellules cancéreuses, même si elles n’assurent plus leur fonction, continuent à proliférer dans l’organisme en « faisant la sourde oreille » aux ordres venus de l’extérieur » précise Marina Glukhova.
Son équipe s’intéresse aujourd’hui au rôle de cette intégrine et de la voie de signalisation afférente dans la cancérogenèse. Elle poursuit l’étude de la fonction des cellules basales mammaires dans le développement normal de la glande et leur rôle dans la cancérogenèse mammaire. Il s’agit de mieux comprendre le rôle des interactions entre ces cellules et l’environnement extérieur au cours du développement mammaire et de déterminer les événements cellulaires et moléculaires à l’origine des carcinomes mammaires de type basal-like.
Karine Raymond, l’une des co-auteur, est financée la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM).
Notes :
(1) Marina Glukhova est directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie, chef de l’équipe « Mécanismes moléculaires du développement de la glande mammaire » dans l’unité « Compartimentation et dynamique cellulaires » Institut Curie / CNRS UMR 144
Références :
Control of mammary myoepithelial cell contractile function by ?3?1 integrin signalling
Karine Raymond1,2, Stéphanie Cagnet1,2, Maaike Kreft3, Hans Janssen3, Arnoud Sonnenberg3, Marina A. Glukhova1,2
1Institut Curie, Centre de Recherche, Paris, France, 2CNRS, UMR144, Paris, France, 3Division of Cell Biology, The Netherlands Cancer Institute, Plesmanlaan, Amsterdam, The Netherlands.
EMBO J. publication en ligne.
Source: communiqué de presse du CNRS
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