Des chercheurs de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, UMR 7104 Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) viennent de décrire les mécanismes moléculaires par lesquels les contractions de cellules musculaires mettent en marche une machinerie permettant à l’embryon de se développer en s’allongeant. Plus largement, ces résultats permettent de mieux comprendre les nombreux processus qui font intervenir des forces physiques, à différents moments du développement de la cellule. Le domaine de la cicatrisation devrait ainsi bénéficier de ces nouveaux travaux, publiés dans la revue Nature datée du 3 mars 2011.
Forces mécaniques du vivant, une question de dosage
Afin d’assurer le bon fonctionnement des organes, les cellules communiquent entre elles grâce à des messages chimiques ou mécaniques. Alors que les forces mécaniques extérieures (pression, coup, etc.) ont plutôt tendance à endommager les tissus (lésion, déchirure, etc.), de nombreux exercices mécaniques sont indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. «Comme chez l’être humain chez qui l’exercice physique favorise la croissance et la bonne santé, certaines cellules qui jouent un rôle central dans l’architecture des organes, comme les cellules de la peau, peuvent également avoir besoin d’exercice. Tout est question de dosage» explique Michel Labouesse, directeur de recherche CNRS à l’IGBMC. Son équipe a découvert que chez le ver C. elegans notamment, les micro-contractions du tissu musculaire sont nécessaires pour stimuler les cellules de l’épiderme qui permettent à l’embryon de s’allonger. Les chercheurs ont ensuite tenté de comprendre comment l’information mécanique donnée par les cellules musculaires est transmise aux cellules épithéliales (cellules de la peau) et de quelle manière ce processus active une « machinerie » d’allongement des cellules de l’embryon.
Les étapes de la mécanotransduction enfin décryptées
La mécanotransduction est le phénomène qui permet à une cellule de recevoir une information mécanique au niveau de sa membrane et d’offrir une réponse adaptée. En analysant le phénomène de mécanotransduction au niveau de l’interface cellules musculaires/cellules épithéliales lors de l’allongement de C. elegans, les chercheurs ont mis en évidence un mécanisme en plusieurs étapes. Les contractions des cellules musculaires sont d’abord transmises aux cellules épithéliales adjacentes. Puis la tension exercée provoque des micro-mouvements d’extension/compression des cellules (cf photos). Les cellules épithéliales répondent en renforçant leurs attaches avec les cellules musculaires et en mettant en marche un « moteur » moléculaire. Ce dernier commande alors la déformation de la cellule et permet l’allongement de l’organisme. Michel Labouesse et son équipe ont décrit et filmé sur C. elegans pour la première fois avec une grande précision le détail du processus moléculaire qui permet la traduction du mouvement mécanique exercée par des cellules musculaires en une cascade moléculaire au niveau de cellules épithéliales adjacentes. Ils ont notamment mis en évidence le rôle prépondérant des jonctions permettant de fixer une cellule à la matrice interstitielle (hémidesmosomes) dans cette « mécanotransduction ». Ils ont ainsi révélé le rôle très important des forces mécaniques dans la communication intercellulaire.
Des résultats prometteurs
Peau, langue, œsophage, intestin, tous ces organes fonctionnent sur la même combinaison cellules épithéliales/cellules contractiles. Ces résultats pourraient donc permettre de mieux comprendre les mécanismes de leur formation ainsi que celui de nombreuses pathologies associées : sclérodermie systémique, maladies bulleuses de la peau, syndrome du bocal irritable, et surtout le cancer dont la gravité serait associé à une dérégulation mécanique. Selon Michel Labouesse « l’une des applications directes concerne le phénomène de cicatrisation. En effet, les cellules de l’épiderme sont accolées au derme qui contient des cellules contractiles (myofibroblastes). Les forces exercées par ces dernières pourraient avoir un rôle important dans le bon ordonnancement de la déformation des cellules nécessaire à une cicatrisation sans séquelle ni bourrelet. ». A terme, ces résultats pourraient également permettre le développement de greffons synthétiques fonctionnels pour pallier la pénurie d’organes.
Références :
A tension-induced mechanotransduction pathway promotes epithelial morphogenesis”. Huimin Zhang, Frédéric Landmann, Hala Zahreddine, David Rodriguez, Marc Koch, and Michel Labouesse
Nature, vol 470, n°7336, 3 mars 2011
Source: communiqué de presse du CNRS
bilou dit
Notre patrimoine génétique terrien actuel est d’une telle fragilité, est tellement unique qu’il s’est construit avec le temps pas seulement avec les ingrédients qui le constituent mais surtout avec l’histoire, tous les obstacles, toutes les particularités à un instant donné, toutes les variations infimes dans l’évolution même du système solaire. Si on effaçait tout pour recommencer, les aléas de la physique feraient que cette vie s’exprimerait différemment sous une toute autre forme. Si la Terre venait à percuter un objet céleste au point de faire fondre l’intégralité de sa croute terrestre, la vie reviendrait des millions d’années après lorsque de nouveaux équilibres deviendront propices à sa réapparition. Ainsi la zone d’habitabilité dont il est question est plus restreinte qu’on ne l’imagine mais autrement plus fertile qu’on ne le pense.